J’entends autour de moi des bruits de moteurs. Certains des touristes présents repartent déjà. Je présume qu’eux aussi sont blasés, et qu’ils doivent voir un léopard tous les matins au petit-déjeuner. Sinon, comment comprendre qu'on ne reste qu'aussi peu de temps face à un animal mythique que certains ne voient qu'une fois dans leur vie?
D’autres au contraire coupent le moteur et… sortent du véhicule pour mieux voir !
Là, j’avoue que j’ai l’égo qui gonfle de façon désagréable, et que je regarde avec un certain mépris tous ces « touristes » trop pressés pour attendre qu’un léopard se mette en mouvement, ou qui ne respectent aucune des règles qui régissent cet exceptionnel parc.
Soudain, le fauve frémit.
Et sans même ouvrir les yeux, nous montre le fond de sa glotte :
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13h20. Je suis en place et immobile depuis exactement une heure, lorsqu’enfin il se redresse.
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Il fait toujours très sombre, et j’anticipe le moment où il va descendre de l’arbre rapidement. Comme il est vraiment loin, je décide d’utiliser le zoom 100-400, plutôt que la focale fixe 300 mm. Je régle sur 640 ISO et sur la plus grande ouverture possible, f/5,6. Ce qui me donne une vitesse de 1/400.
Et là, en quelques secondes…
On choisit la trajectoire
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On plante les griffes dans le bois pour s’étirer un bon coup avant de s’élancer
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Et hop !
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Dommage, cette dernière est floue. Le 1/400 n’a pas suffi. Je le saurai pour la prochaine fois…
Arrivé sur la partie charnue et horizontale du tronc, le tacheté s’arrête pile au bon endroit pour moi, histoire de faire une petite toilette. J’en profite, car des buissons épais masquent le tronc à droite, et je présume que c’est par là qu’il va disparaître dans quelques secondes.
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Et en effet…
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Comme toujours, je reste à l’affût un long moment dans l’espoir de le voir traverser la piste, ou remonter sur un arbre. En vain. Nous sommes en zone forestière et la végétation est extrêmement dense. Les chances de le repérer au sol sont quasiment nulles.
Il me reste de la route jusqu’au camping. Je dois repartir, mais je suis comblé. C’est exactement pour voir ça que j’avais décidé de cette expédition en solo au Kruger. Je me dis que ma tactique a payé, que j’ai fait exactement ce qu’il fallait pour être récompensé… Bref, j’en viens à me trouver très fort et à oublier le rôle décisif de la BFK et de son inséparable serviteur, honorablement connu sur ce forum même s’il est nettement moins classe : le CBN !
N’ayez crainte, mon arrogance sera bientôt punie. La BFK veille !
Six ! J’ai vu six léopards en sept jours. Et il me reste trois jours et demi à vivre dans le Kruger.
Malelane, où je dois planter la tente, est un camp satellite de Berg-en-Dal, sans réception, sans magasins ni restaurant. Juste un camping dans la brousse et un bloc sanitaire. Pour s’y installer, il faut d’abord s’enregistrer à la « Malelane Gate », l’entrée la plus orientale à l’est du parc.
Je prends donc le tronçon de route goudronnée de 2 km à peine qui mène vers la porte, et soudain…
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Si vous avez bien suivi ce carnet depuis le début, vous savez déjà à quoi vous attendre.
Incroyable ! A peine deux heures après mon léopard dans l’arbre, voici qu’un numéro 7 se présente à moi.
Je m’installe dans la file de voiture.
Mais j’ai beau scruter les bas-côtés broussailleux, à l’œil nu et à la jumelle, le magnifique reste introuvable. J’interroge mes voisins d’embouteillage. Personne ne semble le voir, sauf les occupants des deux premiers véhicules, ceux qui provoquent le bouchon.
Patiemment, j’attends que la file avance.
Finalement, j’arrive moi aussi à l’endroit d’où l’observation est possible.
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Ben oui. La bataille de 4x4, c’était juste pour ça. La BFK a parfois de l’humour.
Malheureusement, j’ai une tente à monter avant la tombée de la nuit, et je dois encore pousser jusqu’à Berg-en-Dal faire des courses si je veux manger ce soir et demain matin. Pour une fois, la première et la dernière, je n’attends donc pas que l’animal bouge. De toute façon, avec le mauvais temps, la lumière devient trop faible.
Je boucle donc ici cette magnifique 7e journée.
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A ce point du récit, les plus perspicaces d’entre vous doivent se dire. « Ben voilà, il les a vu ses Sept Léopards. Donc c’est fini, plus la peine de suivre la fin ».
OK, comme vous voudrez...
Mais il nous reste deux jours entiers à vivre ensemble, et la BFK m’a appris, durant ce séjour, l’art et la technique de la surprise au moment où on ne l’attend plus.
En fait, elle a même fait très fort sur la fin du séjour. Pareille à un Tony Crocetta donnant le meilleur pour ses invités du Mara, elle m’a organisé quelques rencontres photographiques qui…
… mais je n’en dis pas plus. Qui aime les Big Five me suive !