C’est effectivement une expérience très enrichissante que le comptage de nuit en particulier. Bien entendu, il se passe des heures sans présence particulière détectée et il faut faire preuve de patience. Mais on apprend assez vite à distinguer les petits bruits nocturnes, comme les appels des babouins à l’approche d’un chacal par exemple et cela donne un peu l’impression de se fondre dans cette ambiance et d’en être un observateur privilégié.
Cela dit, au petit matin, on sent la fatigue s’accumuler et nous sommes tous bien contents du thé matinal préparé par Sue et Steven. Nous reprenons un peu de force à l’image de ce couple de perroquets de Meyer.
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Les 24 heures achevées, il est temps de se mettre en route vers Sinamatella.
A ce sujet, je me suis dit qu’une petite carte de situation du parc de Hwange pouvait être intéressante pour suivre notre petit périple. Dans les prochains jours, nous tournerons dans un périmètre assez large autour des collines de Sinamatella au relief beaucoup plus prononcé que dans la région de Main Camp ou d’Umtshibi.
Sur la piste, nous faisons une halte pour déjeuner à Mandavu, qui est un très large plan d’eau où viennent de nombreux oiseaux (que je ne vous montrerai pas en photo mais il faudra me croire sur parole
. Ce seront notamment des cormorans africains, des tantales ibis, des aigrettes de toutes sortes et même un aigle batteleur ayant d’immenses difficultés pour décoller dans l’air chaud ambiant, bref un spectacle assez rare dans un environnement aride comme celui-ci mais qui mériterait d’y venir à des heures plus matinales ou tardives pour bénéficier d’une meilleure lumière.
Quelques damans des rochers ont également élu domicile ici et Steve nous apprend qu’ils sont victimes d’un braconnage très actif dans ce parc car leur chair est très appréciée et leur capture assez facile.
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Retour à Sinamatella où un énorme troupeau de buffle a choisi de venir boire l’apéritif.
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Le lendemain, Steve nous fait faire une petite visite du camp. L'association DART finance des travaux dans le camp en échange de notre hébergement (restauration de maisons, tuyauteries pour l'acheminement d'eau, etc...). C’est une idée assez intéressante car elle permet de s’assurer que l’argent versé est effectivement utilisé pour les besoins de ce camp mais également pour les villageois qui habitent à Sinamatella et qui peuvent ainsi bénéficier d’une petite activité salariée.
La matinée suivante sera consacrée à un comptage « mobile ». Il s’agit cette fois de comptabiliser tous les mammifères rencontrés lors d’un trajet de quelques heures. Ce trajet est bien entendu toujours le même et effectué toutes les 2 semaines, à la même heure du jour.
Ici pas question de photographier mais toute l’attention est requise pour identifier les espèces, leur sexe et leur âge (et pour de grands troupeaux d’impalas, c’est particulièrement difficile, croyez-moi !).
Steve s’occupe plus particulièrement de surveiller la population des oiseaux et quelques espèces assez emblématiques du type de terrain dans lequel nous évoluons comme les pintades casquées mais nous n’en verrons pas ce jour-là.
Nous entrons ensuite dans le vif du sujet avec la présentation du projet de sauvegarde des rhinocéros noirs. Ce projet est mené par le parc National et l’association DART fournit de l’équipement, des hommes ou des femmes et beaucoup de temps et d’argent à ce projet vital. La fondation australienne SAVE finance également ce projet depuis plusieurs années.
Un autre fil vient d’être initié sur la disparition des rhinocéros dans l’ensemble du pays et je me contenterai ici de faire un petit état des lieux des rhinocéros noirs du parc de Hwange. Les rhinocéros blancs font d’ailleurs l’objet d’une tentative de réintroduction dans le parc mais c’est une autre histoire…
Il y a plusieurs années de cela, le braconnage intensif a entraîné une disparition très rapide des rhinocéros noirs situés dans le nord du pays. Il apparaissait alors des bandes extrêmement bien armées et entraînées, venant en grande partie du pays voisin, la Zambie et qui ont décimé la population.
Il a alors été décidé de regrouper les derniers survivants, se trouvant près de la vallée du Zambèze, dans une zone de protection (Intensive Protection Area) située près de Sinamatella.
Cette IPA était patrouillée quotidiennement par des rangers pour écarter les éventuels braconniers.
Lors de leur transplantation, les rhinocéros ont également été « dartés » et équipés de radio-émetteurs directement implantés dans leurs cornes.
Mais, si cette idée était très bonne, elle n’a malheureusement pas survécu à l’énorme crise politique et financière qu’a subi le pays dans les dernières années. Les patrouilles ont dû être fortement réduites, le personnel est de plus en plus rare et l’appât représenté par les énormes sommes d’argent en jeu autour des cornes a attiré de plus en plus de personnes à « tenter leur chance » dans ce trafic honteux.
Ceci se situe, par ailleurs, dans une période où une certaine augmentation de richesse dans les pays acheteurs comme le Yémen (pour des manches de couteaux) et la Chine ont dynamisé le marché.
Il est d’ailleurs à noter que le braconnage sévit actuellement de manière encore plus brutale en Afrique du Sud et qu’il est à craindre qu’aucun pays ne soit épargné.
Notre mission sur les 4 jours et 3 nuits qui vont suivre va être d’aider à récolter le plus d’informations possibles sur les rhinocéros noirs présents dans les environs. Je ne vais pas pouvoir indiquer précisément le périmètre de nos recherches (et j’invite d’ailleurs les autres auteurs de carnets ou récits à rester assez vagues sur la localisation des rhinocéros observés car ces informations peuvent être utilisées à des fins que nous condamnons tous).