Si vous le permettez, je désire juste vous donner un petit complément d'information relatif à "l'épisode hévéas et usine de caoutchouc"
J'ai oublié de vous préciser (pour ceux qui ne connaissent pas), que la sève (latex) qui coule des hévéas est donc récoltée dans de petits récipients. Quand ces récipients sont pleins (chaque 3 jours environ), les employés de l'usine de caoutchouc viennent les vider (le latex se solidifie) et vont les stocker dans la cour de l'usine.
Ces "pains" de latex, dégageant une odeur nauséabonde ,
sont ensuite traités et déchiquetés puis compressés en grands blocs, en vue de leur exportation pour la fabrication des pneumatiques.
Nous continuons ensuite notre périple campagnard sous une chaleur de plomb. Nous découvrons, au bord des routes, des expositions de tissus, nappes et même des canapés et fauteuils qui attendent preneur ! Amusant de voir des meubles et salons complets, simplement entreposés dans l'herbe, sous le soleil et parfumés des gaz des voitures et des camions !
Des hommes, accroupis par terre, en plein soleil, fabriquent des paniers, découpent des nappes et des rideaux avec des moyens tout simples. Ils sourient, chantonnent et nous accueillent d'un joyeux "bonne arrivée" !
Nous achetons de belles nappes qui apporteront une note colorée et exotique à notre intérieur ! Comme toujours en Afrique, tout se marchande dans la joie et la bonne humeur !
Sur le chemin du retour à Abidjan, nous découvrons de grands projets d'urbanisation. Des immenses chantiers sont en cours et la construction de blocs d'immeubles va bon train.
Arrivés à la maison, nous nous désaltérons d'un thé à la citronelle fait maison et nous commentons avec enthousiasme les moments forts de cette belle journée. Paulette nous prépare pour le repas du soir, une grande salade de légumes frais et de viande et un "foufou" (mousse de bananes) ! Un régal qui ravit nos palais gourmands !!
Ensuite et comme chaque jour, les trois dames font la vaisselle à la mode africaine : on cuit un ou deux litres d'eau, on y ajoute de l'eau froide, on rince dans un autre récipient d'eau que l'on conservera pour l'arrosage des fleurs. Pas de gaspillage par ici !
Pendant la nuit, prise d'un petit besoin naturel, je quitte la chambre et "je me booste" pour entrer dans les WC communs, toujours aussi "accueillants" et pas clean ! Le lendemain, j'ai acheté un produit de nettoyage et me suis lancée à l'assaut des taches non identifiées
, frottant, briquant et fière du résultat !
Voilà bien un réflexe de Suissesse me direz-vous !!!
Le jour suivant est à nouveau assez intense en émotions. Nous avons réunis des vêtements pour 14 enfants (entre 3 et 12 ans), des chaussures, des livres, des cahiers, des stylos et crayons de couleur, des savons, du dentifrice et des brosses à dents, le tout rangé dans une grande valise et nous sommes partis, Evelyne, mon mari et moi ainsi qu'Yvonne (une jeune femme ivoirienne, amie des Schulé). Nous avons pris un taxi-brousse de 12-15 places (mais nous étions entassés à plus de 20 avec en plus une chèvre et des poules)
!!
Nous nous sommes rendus à Akeikoi, un modeste village poussiéreux, à quelques dizaines de km de la ville. Quel voyage ! Nous étions les trois seuls blancs dans le véhicule d'où émanait des odeurs indéfinissables, des cris, des rires et un désordre indescriptible ! Les poules caquetaient, la chèvre bêlait, les enfants pleuraient, les femmes jacassaient, les hommes riaient (se référer au début du récit où j'explique les anecdotes des taxis collectifs). Une expérience inoubliable !!
Nous arrivons enfin à destination : l'orphelinat d'Akeikoi. Nous sommes reçus avec cris et rires. Nous sommes invités à prendre place sous un grand arbre parasol et chacun se présente à nous, naturellement et presque timidement. Le Directeur (pasteur) de l'orphelinat et son épouse ont recueilli 14 enfants dans ce lieu très modeste mais propre et sécurisant. On nous propose un jus de fruit et nous faisons connaissance des enfants. Aucun d'eux ne se souvient de son âge réel ni de son prénom réel ! Ils sont issus de Côte d'Ivoire, du Burkina Faso, du Gana et du Rwanda. Ils sont beaux, timides et très discrets.
L'épouse du Directeur leur demande de nous interpréter une chanson de bienvenue et ils entonnent un air joyeux, tous sourires, battant la mesure et agitant avec enthousiasme leur petit derrière, en rythme (comme le font si bien les enfants d'Afrique) !
Ensuite, chacun d'eux se présente. Ils ont tous des prénoms bibliques (Emmanuel, Rebecca, Paul, Debora, etc.)
La petite Rebecca, toute timide, se trémousse en nous souhaitant la bienvenue en ces termes :"Bienvenue au tonton et aux deux tantines" (c'est souvent ainsi que les petits ivoiriens appellent les étrangers).
Nous expliquons que nous sommes venus faire leur connaissance et leur apporter des vêtements, etc.etc. Je vois immédiatement leurs yeux s'allumer comme des étoiles et leur timidité disparaître. Ils s'animent, ils rient, ils tournent, ils observent nos gestes.
J'ouvre la grande valise rouge et c'est Noël.
Je leur explique qu'il y a de tout pour chacun d'eux, même une poupée blanche (le must) pour chaque fillette et une voiture pour chaque garçon. Evelyne m'aide à trier par âge et à faire la grande distribution. Nous avons aussi pu réunir du chocolat pour chacun (il est un peu raplapla !) mais quel bonheur de voir le visage radieux et reconnaissant de ces enfants...
Une fois de plus, je regrette de ne pouvoir vous transmettre les photos qui sont superbes. Ces visages d'enfants lumineux au regard rempli de reconnaissance me fait encore monter les larmes à ce jour...
Chacune et chacun a reçu de nouveaux vêtements, de nouvelles chaussures, du matériel scolaire.etc. Ils sont rayonnants et nous regardent avec beaucoup d'émotion.
Le Directeur et son épouse leur proposent de nous dire à tour de rôle un petit merci personnel (nous sommes un peu embarrassés)
Je ne peux transcrire ici l'émotion qui nous étreint la gorge quand une petite fille d'environ 6 ans nous dit spontanément, en caressant les cheveux blonds de la poupée qu'elle vient de recevoir :"Merci tonton et tantines. C'est la première fois que je reçois des cadeaux".
Rebecca, un peu plus âgée, choisit, elle, de nous remercier par une petite prière :"Merci à Dieu qui vous a conduit chez nous et que Dieu vous fasse bien rentrer dans votre pays et que votre avion ne tombe pas".
Un jeune garçon d'environ 10 ans à choisi de nous dire :"Je sais que votre pays c'est en Europe et qu'il fait froid". Quand vous aurez vraiment trop froid, il faut que vous reveniez en Côte d'Ivoire pour avoir chaud".
J'ai demandé aux enfants s'il connaissaient une ville de Suisse et, les plus grands, tout fiers se sont écriés : "Paris" ! Eclat de rire général.
Inutile de vous décrire ces moments de tendresse et d'émotion... Nous étions muets, incapables de réagir, incapables de répondre. Nos larmes coulaient doucement et nos sourires se sont fait humbles.
Et comme toujours en Afrique, tout se termine par des rires, de la joie, des chants et des danses que nous avons partagé en pensant qu'il faut souvent si peu pour apporter tant de bonheur.
Nous quittons l'orphelinat à pied, escortés de nos 14 petits amis qui veulent à tour de rôle marcher près de chacun de nous en nous tenant par la main pour un bout de chemin. Nous attendons un taxi-brousse pour le retour et les enfants attendent près de nous.
Le taxi arrive enfin, déjà surchargé et, après avoir embrassé chacun des enfants, nous embarquons dans un four ambulant !! C'est encore plus hard qu'à l'aller ! Il fait encore plus chaud et cette fois, il y a des poules mortes, suspendues par les pieds au plafond, des canards vivants et des enfants en nombre incalculable ! C'est vraiment du local ça !!! On en parle encore aujourd'hui !!
Nous arrivons sains et saufs à Abidjan, le corps ruisselant de sueur, la tête encore emplie des chants et des paroles des enfants, le coeur débordant de tendresse.
Nous remercions Yvonne de sa compagnie et nous nous réjouissons de revoir Paulette et André ce soir pour leur commenter ces moments exceptionnels.
Ce soir-là, je n'ai pas pu m'endormir facilement et pas seulement en raison de la chaleur. Je me repassais mentalement le film de l'orphelinat et je me disais que les enfants de chez nous, qui n'ont pas de point de comparaison, ne peuvent imaginer la chance qu'ils ont de vivre avec leurs parents, de manger chaque jour tout ce qui leur fait plaisir, de porter des vêtements neufs, de fréquenter l'école régulièrement, de recevoir des jouets hors de prix et à la denière mode. Sont-ils pour autant plus heureux ? Les petits orphelins d'Akeikoi connaissent, sans le savoir, la vraie valeur de chaque chose. A méditer...
Le lendemain, nous quittons à nouveau Abidjan avec les Schulé, tous les cinq. Nous recommençons, comme chaque jour, un véritable "Paris-Dakar" à travers la ville mais nous commençons à nous en amuser, voire à aimer ça
L'harmattan nous prive de ciel bleu mais on s'en fout, il n'arrivera pas à nous gâcher nos vacances, même qu'il fait trop chaud !
Un de ces jours, je vais vraiment sortir en costume de bain, la tête serrée entre deux blocs de glace !!
A propos, j'avais emporté dans mes bagages un gadget un peu idiot (mais pas tant que ça quand même en ces lieux torrides) : un mini-ventilateur de poche ! Et bien, même si toute l'équipe me prend pour une rigolote, cet "engin" s'est avéré être le luxe suprême !!!
André, qui se prend parfois pour Schumacher, nous semble bien téméraire ce matin ! Il double, il klaxonne comme un dingue, il freine comme un malade ! Et tout cela, sans se départir de son légendaire sens de l'humour
! Paulette est à cran et l'invective fermement mais il s'en fiche ! C'est lui le chauffeur et il se comporte comme un chauffeur ivoirien !! On rit tous bruyamment !!
Aujourd'hui, nous nous rendons près de Bingerville, une ville située à environ 8O km d'Abidjan. Nous traversons une région très verdoyante et bien arborisée. Un vrai repos pour les yeux et l'âme. Beaucoup de monde au bord des routes, beaucoup d'enfants à demi-nus, des femmes qui transportent de lourds chargements de bois sur leur tête, des charrettes tirées par des ânes.
Nous arrivons dans un village perdu et découvrons, autour des modestes habitations, des poules en liberté, des lapins dans un petit clapier, des femmes affables préparant le repas en plein air, des enfants nus, jouant avec un morceau de bois ou des pierres.
Nous rencontrons un grand troupeau de vaches efflanquées, aux cornes élancées. Chez nous, c'est tout banal mais en Afrique, c'est original de voir déambuler ces animaux calmes au regard humide, sur la terre ocre.
Ensuite, nous découvrons une plantation de café, la deuxième richesse du pays. Puis, nous traversons de grandes cultures de cacao dont la Côte d'Ivoire est le premier producteur mondial. Au détour d'un chemin, nous nous retrouvons face à un terrain de football improvisé où de petits joueurs aux maillots colorés s'entraînent pour la prochaine coupe du monde !!
Sur le chemin du retour, nous faisons un arrêt désaltérant au Jardin d'Eden (un maquis de plein air fort sympathique). Nous consommons une bière africaine qui nous donne une illusion de fraicheur. Des femmes préparent un repas bien appétissant composé de soupe de légumes bouillant sur une vieille marmite, directement posée sur un feu de bois, entre de gros cailloux, du poisson frit et des bananes plantain. J'en retrouve même les odeurs !!
Un détail amusant capte mon regard : des publicités colorées pour les soupes "Maggi" s'agitent au gré du vent, suspendues dans un grand arbre !
En nous voyant amicaux et chaleureux à leur égard, les femmes lâchent leur cuisine et commencent à danser pour nous. Elles sont très gaies et tout de suite, une ambiance conviviale s'installe. Je les prend en photo et, lors d'un retour éclair des Schulé en Suisse, je leur fait une copie de chaque photo. Paulette m'a raconté leur joie !
Nous rentrons en ville. En arrivant chez nous, mon mari aide un transporteur fatigué à guider son trop lourd chargement sur les bosses du chemin herbeux.
Encore une magnifique journée à graver dans notre coeur. Ce soir, après un souper sympa chez les Schulé, les routards se couchent tôt car demain matin, une nouvelle aventure nous attend...