Merci à vous trois
Nous nous étions enfoncé au coeur du parc et avions décidé de retourner à Tsavo Est certes pour sa richesse faunistique mais également parce qu'on peut y observer une espèce unique: l'hirola ou damalisque de Hunter
qui est probablement l’antilope la plus menacée d’Afrique et qui est d'ailleurs classée en danger critique d’extinction par l'UICN
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Comme vous pouvez le voir sur la photo ci-dessus, les yeux de l’hirola sont cerclés de blanc et une barre blanche traverse le front afin de les relier. Les glandes pré-orbitales, où les larmes se forment, sont par ailleurs clairement visibles juste au-dessous des yeux, ce qui vaut à cette espèce le surnom d’ « antilope à quatre yeux ».
Notez également la forme unique et caractéristique des cornes pour cette espèce.
L'Hirola (Beatragus hunteri) est un bovidé proche des antilopes et qui constitue lui seul une famille à part entière: les Alcelaphini. Cet animal en danger critique d'extinction subsiste dans les plaines herbeuses arides situées à la frontière du Kenya et de la Somalie et est malheureusement un parfait exemple du déclin de la biodiversité et des nombreuses menaces qui pèsent sur tant d'espèces dans le monde... En effet, alors que ses effectifs s’élevaient à 15 000 individus en 1970, ils sont aujourd’hui compris entre 500 et 600 seulement, ce qui représente une chute d’environ 95 %. Initialement, l’aire de répartition de l’hirola s’étendait sur environ 18 000 km² au Kenya et et 20 000 km² en Somalie. Petit à petit, ce territoire a fondu pour atteindre un niveau critique et aujourd’hui, les troupeaux d’hirolas occupent un territoire de moins de 8 000 km², soit à peine les deux tiers de l’Île-de-France. La principale population qui compte entre 400 et 450 individus se trouve à la frontière séparant le Kenya et la Somalie, essentiellement dans le sanctuaire d’Ishaqbini, tandis qu'une autre population d'environ 30 individus avait été transférée dès 1963 à Tsavo Est pour essayer d'enrayer son déclin.
Ce déclin s’explique en grande partie par le développement de l’élevage bovin. Les troupeaux domestiques et les hirolas partagent en effet souvent le même habitat et le même régime alimentaire, ce qui engendre une concurrence pour l’accès aux ressources. Les épisodes de sécheresse, récurrents au Kenya et en Somalie ces dernières décennies ont par ailleurs réduit les réserves d’eau et de nourriture, ce qui a menacé d’autant plus gravement les populations d’hirolas. En outre, la proximité entre espèces facilite la transmission des maladies et la chute vertigineuse des effectifs de l’hirola entre 1983 et 1985 coïncide par exemple avec l’émergence de la peste bovine. Si l’infection est considérée comme éradiquée depuis plusieurs années sur l’aire de répartition des hirolas, les effectifs de l’espèce ne sont toujours pas repartis à la hausse dans le sanctuaire d’Ishaqbini. Enfin, comme beaucoup d’antilopes, l’hirola a été et continue à être une victime directe de la chasse et du braconnage, principalement du fait de la pauvreté et de l’instabilité politique dans la région vers la Somalie depuis 1991. Cependant, aujourd’hui, la principale prédation subie par l’espèce ne vient plus de l’Homme mais des grands carnivores : en 2010, les lions, léopards, guépards, chiens sauvages d’Afrique ont prélevé une vingtaine d’individus alors que l’espèce en comptait environ 450 au total.
Face à toutes ces menaces, les défenseurs de la faune ont très vite pris des mesures de protection. L’ONG Hirola Conservation Program (HCP), créée en 2005, cherche à restaurer l’habitat naturel des hirolas: les grandes plaines dégagées. Couper des arbres ou des branches afin d’éliminer la couverture forestière et semer de l’herbe font partie des grands axes de travail de l’ONG. Des rangers sont également formés afin de protéger à la fois les hirolas et les éléphants car ces derniers contribueront à maintenir l’écosystème si le braconnage est régulé. Des groupes de terrain facilitent par ailleurs la communication avec la population qui doit être sensibilisée à la conservation de la vie sauvage. Les bergers locaux apprennent par exemple à cohabiter avec ces antilopes et rapportent leurs observations (comptage, localisation, mais aussi prédations ou braconnage). En 2012, un grand sanctuaire a vu le jour afin de protéger les hirolas de leurs prédateurs : l’Hirola Community Conservancy d’Ishaqbini. Au coeur d’un projet de deux millions de dollars, ce territoire de plus de 2 700 hectares est entouré d’une large clôture, ce qui en interdit l’accès aux grands prédateurs comme les lions et les léopards. La population dans ce sanctuaire vit désormais à l’abri, entourée de girafes, de zèbres, d’oryx et d’autres herbivores. En moins de quatre ans, elle a déjà doublé de taille et en 2016 on comptait plus de cent hirolas à l’intérieur du sanctuaire. Dans quelques années, l'objectif est qu'une partie d’entre eux pourra être relâchée de l’autre côté des palissades. Enfin, la population transférée à Tsavo Est a atteint 56 individus en 1996 et a été renforcé cette même année par l’arrivée de 29 nouveaux spécimens, ceci notamment afin d’améliorer la diversité génétique de l’espèce. En 2000, un nouveau recensement indiquait que la région comptait 77 hirolas puis, en 2011, un comptage aérien et au sol estimait leur nombre à 67. Actuellement, il semble que la population se porte assez bien et avoisine une centaine d'individus.
Lors de notre visite dans le parc nous avons pu observer une harde avec plusieurs jeunes, ce qui est plutôt une bonne nouvelle. Le parc de Tsavo Est est immense et la population d'hirolas très petite mais il semble que les hirolas se cantonnent dans le même secteur car en deux visites faites dans le parc à quelques années d'intervalle nous les avons observé à peu près au même endroit. D'autres carnets de voyage confirment également que les observations sont souvent faites dans la même zone du parc.
Voici quelques photos d'hirolas que nous avons pu observer à quatre reprises pour notre plus grand bonheur pendant ces 3 jours passés à Tsavo Est
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