Merci pour vos commentaires ! Visiblement on a eu pas mal de chance sur les guêpiers de Perse que l'on a observés de façon assez régulière et sans difficultés !
Continuons donc notre voyage. Jeudi 24 décembre 2015 Nous avons quitté le Djoudj. Retour vers St Louis où nous profitons du passage en ville pour refaire le plein de vivres et d'essence. A la sortie de la ville, nous prenons à droite et suivons la route vers la réserve de Guembeul.
Cette réserve privée de 7,6 km2 est une zone classée RAMSAR en raison du stationnement en fin d’hiver de plusieurs milliers d’Avocettes mais c’est aussi une zone où sont élevés, dans le but d’être réintroduits dans leur environnement, différentes espèces animales. Ici aussi les tarifs d’entrée applicables sont les mêmes que ceux des parcs nationaux du pays. 5000 FCFA par pers et 10 000 pour la voiture. Cher ! Quand on sait que la visite est obligatoirement guidée (prestation du guide en sus) et qu’elle ne prend qu’1h30. Pas moyen d’y rester seul à l’intérieur ou d’y pique niquer … Bref, nous acceptons de payer et entamons la visite avec le vétérinaire de la réserve (car le guide est absent aujourd’hui…). Passage par l’écomusée pour une explication du rôle de cette réserve et des principales espèces qui y sont élevées puis début de la visite avec les tortues. Des jeunes individus sont regroupées dans un enclos dédié tandis que les gros spécimens bénéficient de davantage d'espace. Toutes ces tortues appartiennent à la même espèce, la Tortue sillonnée aussi appelée Tortue de savane. Cette espèce est mine de rien la troisième plus grosse espèce de tortue terrestre au monde avec des mâles pouvant atteindre les 100 kg. Une spécificité anatomique est la forme de la carapace qui est aplatie. Autrefois commune au Sénégal, elle est devenue à présent très rare. Un programme de reproduction afin de réintroduire l’espèce dans la réserve de faune du Ferlo nord (N-E du pays) a été entrepris avec la SOPTOM (l’association qui gère le village des tortues de Gonfaron dans le Var !). Le monde est petit !
127-Tortue sulcata, Réserve de Guembeul
Sitôt sortis de l’enclos, un sifflement en provenance de la roue de la voiture nous intrigue. La roue perd de l’air. Une crevaison lente hier et maintenant une roue crevée, il est temps de faire quelques réparations. Retour à St Louis où l’on trouve facilement un réparateur au bord de la route. Pour 4000 FCFA, les réparations sont faites et l’on repart après 40 minutes avec une voiture en état. Comme il n’est pas possible de manger dans la réserve on s’arrête près de mares en bordure de route. Des Avocettes, des Barges à queue noire, Des Grands Gravelots, des Echasses, du Chevalier stagnatile … s’alimentent ou se reposent ici en toute tranquillité. Une huppe passe en vol et se perd dans les jardins maraichers. Nous la suivons aux jumelles et découvrons un vol de plus de 100 Martinets des maisons tournoyant dans le ciel. Nous terminons notre repas en compagnie d'un Ecureuil terrestre du Sénégal puis retournons à la réserve de Guembeul où le personnel, regroupé sous une tonnelle, est en train de préparer le thé.
128-Écureuil terrestre du Sénégal
Nous sommes invités à le partager et en profitons pour en apprendre un peu plus sur la société sénégalaise. Une fois la tournée de thé au basilic, (original !) terminée, nous repartons sur la visite. Nous laissons les tortues et allons voir les Gazelles dorcas dans leurs enclos. Espèce des milieux désertiques et pré-désertiques, la Dorcas occupait aussi les zones sahéliennes du Sénégal d’où elle a disparu suite à une chasse intensive. Classée comme « Vulnérable » par l’UICN, l’espèce a été, après acclimatation à Guembeul, relâchée dans le Ferlo en 2009. En collaboration avec les habitants Peuls de la région, 23 individus y ont retrouvés leur liberté. Notre vétérinaire nous précise que les individus présents ici peuvent servir dans tout programme de réintroduction au Sénégal et dans les pays voisins.
129-Gazelle dorcas, Réserve de Guembeul
Nous rejoignons à présent le grand étang de la réserve de Guembeul où se concentrent en février les oiseaux migrateurs lors de leur remontée vers l’Europe. Aujourd’hui, ils ne sont pas très nombreux. Il y a surtout des bécasseaux sur les vasières, environ 300, ainsi qu’un reposoir de 150 Avocettes.
130-Ilot de nidification, Réserve de Guembeul
131-Réserve de Guembeul
Nous observerons aussi 3 balbuzards et 2 Goélands railleurs.
132-Balbuzard pêcheur, Réserve de Guembeul
Dans les sansouires autour de l’étang, un groupe de Singes patas s’enfuit à notre approche mais deux jeunes individus décident de rester sur place et se camouflent derrière les salicornes nous permettant d’observer de près leurs visages mutins.
133-Singe patas, Réserve de Guembeul
Autre espèce emblématique de cette réserve, l'Addax dont un adulte se tient près de l'étang. Il s'agit d'une espèce d’antilope relictuelle en voie de disparition, dont l’aire de répartition a fondu comme neige au soleil au cours des 50 dernières années. Adaptée aux rudes conditions des ergs sahariens, son aire de répartition couvrait les zones les plus arides allant de la Mauritanie au Soudan. Aujourd’hui il ne reste que de très petites populations isolées dans les zones les plus reculées du nord du Mali et au Niger, notamment dans la réserve naturelle nationale de l’Aïr et du Ténéré (< 200 ind en 1991) … Cette espèce très farouche a subi, et continue de subir dans les zones non protégées, une importante pression de chasse. Il est à présent très rare de pouvoir l’observer dans la nature et la plupart des mentions proviennent d’observations indirectes, notamment de traces dans le sable. Capable de se déplacer sur de longues distances à la recherche de nouveaux pâturages, il arrive exceptionnellement que soient rapportées des observations dans son ancienne aire de répartition. Ainsi en 2007, des traces d’une quinzaine d’individus ont été relevées dans le nord de la Mauritanie à environ 220 km de la frontière avec le Sahara occidental marocain. Cela faisait plus de 25 ans qu’il n’y avait pas eu de données de cette espèce dans cette partie du Sahara … Nous sommes bien conscients que pouvoir observer de nos jours cette espèce est une réelle opportunité qui ne se présentera peut être plus jamais. C’est cette volonté qui nous a poussé à venir à Guembeul. Bien que ne bénéficiant que de faibles moyens financiers, le projet de sauvegarde de l’Addax à Guembeul offre une lueur d’espoir de pouvoir un jour réintroduire des individus dans le milieu naturel.
134-Addax, Réserve de Guembeul
Nous terminons la visite de la réserve avec un troupeau d’Oryx algazelle, une autre espèce des zones de semi-déserts herbeux où la pluviométrie ne dépasse pas les 350 mm par an. Toutefois si elle apprécie les zones désertiques, on ne la rencontre pas comme l’Addax dans les zones les plus arides. Jusqu’en 1960, l’Oryx était une espèce particulièrement abondante sur la bordure méridionale du Sahara. Ses effectifs ont chuté de manière drastique et officiellement l’espèce est éteinte en milieu naturel depuis les années 1980. Elle n’existe plus que dans des réserves fermées afin d'assurer leur reproduction, en Tunisie et au Maroc. Au Sénégal, l’espèce a été réintroduite dans la réserve de faune du Ferlo.
135-Oryx algalzelle, Réserve de Guembeul
136-Oryx algalzelle, Réserve de Guembeul
En quittant la réserve, nous traversons des milieux de mangroves dégradés avec Courlis corlieux, Goélands railleurs et Pélicans gris. Moins fréquente, une Sterne hansel se repose sur un banc de sable alors que le ciel s’est à présent chargé de nuages gris.
137-Goélands railleurs et Pélican gris, Langue de Barbarie
138-Singe patas, Langue de Barbarie
Nous atteignons le Parc de la Langue de Barbarie et le camping de Zébrabar où nous avons réservé la nuit. La douche est appréciée puis nous prenons le temps d’observer sur le fleuve Sénégal qui s’écoule paisiblement au pied des bungalows. Quelques Sternes caspiennes, des Aigrettes des récifs et un lointain Balbuzard pêcheur viennent clôturer cette journée.
139-Langue de Barbarie
C’est en faisant le compte rendu de la journée que l’on se rend compte que nous sommes le 24, jour du réveillon de Noël. Plutôt qu’une soupe chinoise en guise de repas, nous décidons de profiter du restaurant et de sa terrasse. C’est la première fois que nous mangeons un 24 décembre à la belle étoile. Le repas sera excellent, avec pour plat principal une queue de lotte et sa sauce, le tout accompagné de pâtes …
Lundi 25 décembre
Le lendemain matin, c’est sur les bords du fleuve Sénégal que nous prenons le petit déjeuner avec face à nous la langue de Barbarie. Ce long cordon sableux s’étire sur environ 40 km, séparant le fleuve de l’océan Atlantique. Cet écosystème fragile en constante évolution est en équilibre précaire à la merci des humeurs du fleuve et de l’océan. Façonnée par les apports de sédiments, la ligne de rivage évolue de jour en jour. Aux phases d’accumulation de sable, succèdent des phases de « dégraissage » lorsqu’interviennent les crues du fleuve. La face intérieure de langue est alors attaquée. Côté océan, ce n’est pas mieux, la forte houle sévissant une bonne partie de l’année poursuit inlassablement son action d’érosion ouvrant lors des grosses tempêtes des brèches. Au fil des siècles, l’embouchure du fleuve a ainsi maintes fois changé d’emplacement. Cette zone côtière formée de longues plages de sable, balayée par les vents est restée inhospitalière pour l’Homme. La tranquillité du site associée à des eaux poissonneuses fait de la Langue de Barbarie un eldorado pour le Balbuzard pêcheur. Des dénombrements y sont régulièrement réalisés durant la période hivernale et justement hier, il y en a eu un. Bilan : 213 Balbuzards dans le parc. Un chiffre impressionnant qui fait du Sénégal l’une si ce n’est la principale zone d’hivernage pour les Balbuzards européens. La côte désertique s’étire bien au sud du parc jusqu’aux portes de Dakar, offrant de vastes habitats pour cette espèce. Des relevés réalisés au cœur de l’hiver ont permis d’y estimer à 3 000 le nombre d’individus. (Ornithondar, "PNLB, record de Balbuzards pêcheurs")
140-Courlis corlieu, Langue de Barbarie
Durant notre petit déjeuner, nous aurons moins de chance, seul un individu passera au loin tandis que nous parviennent le grondement des rouleaux de l’Atlantique. Un Courlis corlieu se nourrit sur les berges du fleuve au milieu des nombreux débris plastiques. Le décor est moins sympa que les paysages vierges de la toundra qui l’accueillent durant la saison de reproduction. Un pélican blanc fait une brève apparition, il remonte le fleuve peut être pour rejoindre ses congénères au Djoudj. Nous rejoignons notre emplacement de camping où nous attendent deux Cratéropes bruns et un Gonolek de Barbarie. Une magnifique coche que cette dernière espèce !
En quittant le camping, nous traversons une dernière fois les marigots de la Langue de Barbarie où se reposent Pélicans gris et Goélands railleurs. Le temps est toujours gris, nous avons de nombreux kilomètres à parcourir avant notre prochaine escale, la ville de Kaolack, nous ne tardons pas et commençons à rouler vers le sud.