8.2.2006
Après l'accueil royal du campement par le Père Odon, je file retrouver la mission catholique de Kassama. Je décide de partir tôt pour faire la route. Plusieurs maliens m'ont dit que ça allait être difficile et que j'aurais meilleur temps de faire ça dans la matinée. Et ... effectivement. Je suis arrivé à Kassama avant que mes forces ne soient évaporées par le soleil. Kassama est sur les plateaux entourant Kéniéba. La région est collineuse à souhait et présente un relief plateau-falaise-plaine sans grande transition. Le chemin - ou plutôt la route - est aussi raide que la pente dans lequel il se trouve. Je réussis à faire un petit bout sur le vélo, mais je descend bien vite et fini par pousser mes 40 kg de materiel. Dans la montée un camion est coincé. ça répare et tape.. De gros caillous sont coincés sous les roues. Je continue ma route et arrive enfin sur le plateau. Au début de la route un autre camion attends que le passage soit dégagé.
L'accueil à la mission catholique est chaleureux. j'y resterait jusqu'au lendemain. Sur les trois prètres présent à la mission, deux d'entre eux sont allé en Suisse pour leur formation. Nous parlons d'hiver, de neige, de patinage, d'horaire des trains, etc... Suisse, pays de la ponctualité. Leur manière de présenter la chose me fait particulièrement rire. Au repas, salade verte, tomate, repas complet. Que de bonnes choses. Je discute longtemps avec le père Odon, il me présente la mission, les écoles, le jardin - ce que je trouverai partout au Mali - pour finir dans le village. Les percussions tapent depuis trois jours pour un mariage.
9.2.2006
Discussion intéressante sur la mondialisation, la société de consommation, le gaspillage, etc.. Leur vision d'Afrique et d'Europe est intéressante. Je prends la piste pour le barrage de Manantali. De nouveau je retrouve la piste de deux roues en sur-impression. Difficile jusqu'à Koundian. Parfois sableux, parfois caillouteux. Comme d'habitude, la volonté fait avancer. Je fais un petit arrêt sur un affluent du Baffing ou je retrouve des limicoles et cette chère Bergeronnette grise, l'emblème du voyage. Grand Gravelot, Chevalier sylvain, Chevalier guignette et Chevalier culblanc, Ombrette, Grande Aigrette, Hirondelle à long brin et ... un Pipit sp. La piste est particulièrement mouvementé et creusée. Jusqu'à faire une descente dans le plus pur style VTT. Je croise trois français dans leur 4x4. Ils font de gros yeux en me voyant. Le premier ouvre la fenêtre. Sa voiture est tellement climatisée que j'en ai froid pour lui. Ils m'offrent une bouteille d'eau ... glaciale. ça reste un régal. Je retrouve le goudron avec plaisir. Le paysage reste magnifique. Plateau et bout de montagne noir qui ressort, toujours ponctué de ces fleurs roses et d'herbe jaune vif. Lumière excécrable, poussièreuse sur l'horizon. Pas de photo. Ou presque.
11.1
11.2
J'arrive finalement au barrage de Manantali qui produit le courant pour le pays et pour le Sénégal. Enorme construction. Le bâtiment des fonctionnaires est climatisé, bien frais lui aussi. Mon allure un peu rougeâtre ne leur fais pas trop peur. Je fais le plein de mes bouteilles et repars à l'assaut du barrage. La route pour Bamako passe au bord du lac de retenue. La pente est raide et mon pneu avant dégonflé. Un vrai bonheur pour une fin de journée.. J'ajoute tout de même le petit Bruant cannelle à ma liste de la journée. Beau petit Bruant qui me rappelle le Bruant fou, ma mascotte suisse.. je fais encore quelques kilomètres avant de planter mon bivouac.
10.2.2006
Toujours de la piste, relativement large, mais qui roule relativement peu. Collineux, et lors des descentes on termine sur un pont metant à mal le matériel. Caillous - gros - et ciment. La voix de Père Odon résonne dans ma tête.
"le plus dur sera la piste jusqu'à Koundian, après tu trouves une bonne piste jusqu'à Manantali, et quand tu es à Manantali, tu es à Bamako"... 3 Vautours sont sur une charogne au bord de la route. Je continue de rouler. Croisé la route d'un allemand remontant vers la Mauritanie avec son break. Il me donne une bouteille d'eau qui me tiendra jusqu'au bivouac. Je ferai encore le plein d'eau dans le village de Tambaga. Comme toujours, bivouac sur terre brulée. Ça m'évite de rouler sur les épines. Pneu et chaîne qui hurle sont les deux grands problèmes du moment. il me faudra trouver un peu de graisse à Bamako.. Pluie au bivouac, ça rafraîchit l'atmosphère et permet de faire fuir ces maudits moucherons. Maudits diptères. ils ne se contentent pas de voler vers l'oreille, le nez ou les yeux. Ils volent dans les oreilles, le nez et les yeux. Je m'enturbanne la tête de mon chech et met les lunettes de soleil. Pas de peau pour les diptères. Je repense à Nicolas Bouvier disant dans l'Usage du Monde:
"J'aurais longtemps vécu sans savoir grand chose de la haine. Aujourd'hui j'ai la haine des mouches. Y penser seulement me met les larmes aux yeux. Une vie entièrement consacrée à leur nuire m'apparaîtrait comme un très beau destin. Aux mouches d'Asie s'entend, car, qui n'a pas quitté l'Europe n'a pas voix au chapître.
La mouche d'Europe s'en tient aux vitres, au sirop, à l'ombre des corridors. Parfois même elle s'égare sur une fleur. Elle n'est plus que l'ombre d'elle même, excorcisée, autant dire innocente.
Celle d'Asie, gâtée par l'abondance de ce qui meurt et l'abandon de ce qui vit est d'une impudence sinistre. Endurante, acharnée, escarbille d'un affeux matériau, elle se lève matines et le monde est à elle..."Je rêve de rivière de montagne et de neige à longueur de journée. la fraîcheur me manque.
11.2.2006
La route fut brève. Mal réveillé, un caillou dans la poussière et un vol plané par dessus le vélo. J'atterris durement et mords de la latérite. Le porte-bagage avant s'est plié sous le coup, empiétant sur la trajectoire de la roue. Deux rayons sont cassés. Impossible de contiuner la route avec une roue en aussi mauvais état. Les vis sont tordues et le pas de vis pour la fixation du porte bagage est lisse. Je ne peux plus le fixer. La piste et le poids des sacoches auront eu raison du Koga. Le deuxième camion qui passe a de la place à l'arrière. Ils vont jusqu'à Bamako. Je profite du transport et partage la cabine avec le chauffeur et son aide. Nous faisons une pause à Kita et arrivons à Bamako à la tombée de la nuit. je prévois de rester sur Bamako 5 jours. Le temps de réparer ma roue, renvoyer les sacoches avant en Suisse. Je finirai le voyage avec mes deux sacoches arrière.
Les maliens sont généreux et hospitaliers. Le chauffeur, un Traoré, m'a offert le repas de midi. Les maliens vont plutôt me demander si je vends mon vélo. Quel changement avec le donne-moi sénégalais. Les enfants ramassent des baffes des adultes s'ils ont le malheur de dire un donne-moi à un étranger. Le contact me plait.
16.2.2006
Les journées sont consacrées au repos, réparation et ravitaillement. Ma roue avant a été rapidement réparée. J'ai enlevé les épines de mes roues et retapé les chambres à air. L'embout large de ma pompe à vélo s'est dévissé. Les vibrations du camion. Je ne pourrais pas utiliser les chambres à air de rechange envoyé par mon frère et dois en racheter avec des embouts classiques. Je profite d'avoir du temps pour aller faire un tour à Bamako. Marché artisanal, musée national, bars, ... Je reçois une leçon au marché artisanal. On ne dit pas je vais manger, mais venez manger avec moi. Je fais également le plein de lecture. Comme un boulimique, je saute sur tout bouquin et revue que je peux trouver. Je n'avais plus rien à lire depuis Tambacounda. Je trouve les bouquins d'Amadou Hampaté Ba et la suite de sa biographie. J'avais lu le premier tome et l'avais laissé à cette américaine du corps de la paix.
Je dois retrouver Andrew et leah à Bamako. Nous continuerons vers Mopti en prenant la piste de Djenné. Je risque également de croiser Jérôme sur la route du retour. Je reparts demain sans avoir vu les australiens - ils arriveront à Bamako le 17 au soir - et je ne verrai pas Jérôme - il arrivera 24h après mon départ de Bamako pour le Sénégal..
Je rencontre deux immigrés malien logés à Bordeau. Nous parlons d'Europe, du Mali et des Peuls. Ils m'expliquent leur pays, leur éthnie, la France vue par un africain. Je vois la complexité malienne dans leur parole. Le musée national me permet également de comprendre un peu plus les éthnies du pays. Peuls, Malinké, Bambara, Dogon, Bozos, ......
Je me prépare à rouler sur Mopti et Djenné au coeur du Delta intérieur du Niger.
Bonne lecture
Manu