Le croirez-vous ? Mon léo numéro trois va apparaître à peine quelques minutes après le numéro deux. A une heure de l’après-midi. Cette fois, c’est une voiture de guide garée sur le côté qui me l’indique. Tout comme l’autre, celui-là est aplati dans un recoin obscur. En fait, il est sur une termitière juste sous les branches d’un arbre qui caressent le sol.
Comme tout à l’heure, je shoote quelques images, juste pour assurer.
Où est Charly ?
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Et de nouveau attente. Il est à une bonne cinquantaine de mètres de nous. Aux jumelles, j’arrive à le voir à peu près correctement, caché derrière la végétation.
L’attente est longue. Et pour une fois, infructueuse. Lorsqu’il se lève enfin, c’est pour partir dans la direction opposée à la route.
Les véhicules se dispersent.
Moi, fidèle à ma quête du Graal tacheté, moderne chevalier de la Table Ronde armé de mon 100-400, je décide de rester. Et de tourner en rond quelque temps dans un rayon de 200 ou 300 mètres, au cas où.
J’adore la réaction des gens lorsqu’ils voient un photographe avec un super téléobjectif planquer dans un endroit où il n’y a strictement rien. Au lieu de se moquer, ils admirent : « Vous êtes un professionnel ? »
La BFK, qui connaît le coeur des chasseurs, n'a pas ces naïvetés: « Pour qui il se prend celui-là, grand pisteur pas fichu de distinguer un léo dans l’obscurité s’il n’y a pas un véhicule de guide garé à côté ? Les léos, mon gars, c’est fini pour aujourd’hui. »
N’importe. Deux dans la journée. Je suis content.
Et c’est en mesurant ma chance d’être là, en quête du plus bel animal du monde, que je vais faire une pose à l’aire de pic-nique où m’attendent mes vervets.
Cette pause-singes est un moment que j’apprécie particulièrement dans mes journées. Sortir enfin de la voiture, passer une heure ou deux à pied, pouvoir bouger avec et autour de mes lointains cousins, choisir mes backgrounds et mes angles…
…et observer les réactions des homos sapiens lorsque les vervets viennent leur piquer leur miche de pain du casse-croûte.
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En gros, trois types de réactions :
1/ le hurlement affolé suraigu "Heeeeelp!!!" (presque exclusivement féminin),
2/la passivité admirative « Trop mignons, trop beaux, ils sont chez eux, laissons les vivre…» Hommes et femmes confondus, mais essentiellement touristes européens qui croient, à force de regarder Disney Channel, que la brousse est un paradis de paix et d’harmonie.
3/ et enfin le coup de colère viril, renforcé de grands gestes saccadés des bras, voire de lancers de pierres: « Fous le camp sale bête » (presque exclusivement masculin et sud-africain, du type : « Je connais ma brousse depuis 45 ans, z’allez pas m’apprendre comment il faut traiter ces bestioles).
Ceux d’entre vous qui ont fait des photos de petits singes doivent savoir combien c’est difficile. Ca bouge tout le temps, sont constamment dans le feuillage, et à peine les a-t-on dans le cadre qu’ils tournent la tête, ou s’envolent sur une autre branche, avec une vivacité qui surpasse toutes mes capacités de photographe.
Cette fois, j’essaie de suivre un petit chenapan dans les frondaisons.
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Et puis une scène un peu plus calme, de deux garnements qui se disputent les bras d’une même maman, et surtout... les dernières miettes de la miche de pain!
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Je reprends la route et, en fin de journée, je profite de la « golden hour » pour charger ma carte mémoire de souvenirs dorés.
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Milan à bec jaune
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Steenbok craintif
Presque dix-huit heures trente. L’heure de rentrer au camp.
Avant-hier, zéro léo. Hier, un. Aujourd’hui deux. Logiquement, demain, ça devrait être trois…