En février/mars 2014, j’ai mis le cap sur la Nouvelle Zélande pour un voyage relativement prolongé à la découverte de ce pays mythique. Beaucoup de choses à dire sur ce voyage mais je vais commencer avec ce billet par l’animal le plus emblématique de la Nouvelle Zélande, à savoir le Kiwi.
Même s'il s'agissait d'un voyage mixte famille/nature et donc pas exclusivement ornithologique, j’ai écumé la Nouvelle Zélande du nord au sud pendant 2 mois avec toujours à l’esprit la recherche de la présence du Kiwi. Mais ce fut un exercice vraiment délicat. Pourtant l’oiseau y est rare sans être rarissime : il y en aurait quand même quelques dizaines de milliers en Nouvelle Zélande. Mais ce qui fait qu’il est très difficile à observer c’est qu’il est quasi-exclusivement nocturne et qu’il évolue à couvert dans des milliers forestiers. Leur endémisme ajouté à un recul dramatique de leur habitat, dû à la déforestation massive du pays, les place en statut « Menacé » (NT) pour le Kiwi d’Owen et en statut « Vulnérable » pour le Kiwi austral.
Ma première obs de l’oiseau fut celle d’un Kiwi captif à Rotorua (site géologique de l’ile du Nord réputé pour ses Geysers). Pas très glorieux mais quand même intéressant pour visualiser l’oiseau et sa drôle de silhouette. La visite se fait dans la quasi obscurité ce qui permet de voir des Kiwis bien actifs.
La meilleure chance d'observer des Kiwis en liberté est de visiter l’un des sanctuaires constitués par les Néo-Zélandais pour tenter de sauver leur avifaune endémique. De vastes zones hermétiquement clôturées sur des milliers d’hectares (ou même certaines iles dédiées) dont les espèces prédatrices introduites par l'homme (chiens, chat, renard opossum, rat, chèvre,...) ont été éradiquées afin de laisser une chance aux espèces endémiques de se renforcer à l'écart de ces espèces invasives vis à vis desquelles l'évolution les a laissées sans défense. Mais même dans ce cas, la première chose que l’on vous annonce lorsque vous arrivez sur un site réputé pour la présence du Kiwi…c’est que vous n’allez très certainement pas en voir. Encourageant ! Et effectivement dans 3 des 4 sanctuaires que j’ai pu visiter je fis choux blanc…
Ma première vraie rencontre avec l’oiseau libre fut dans un de ces sanctuaires à Zealandia près de Wellington. A regarder dans les guides on se demande s’il s’agit d’un zoo ou d’une réserve. Une fois sur place on trouve à moins d’une 1/2 heure de la ville un site riche et suffisamment vaste pour ne pouvoir être visité qu’en plusieurs fois. De jour : très peu de chance d’observer le Kiwi là encore. Pour pouvoir l’observer il m’a fallu me joindre à un « Night Walk » et, malgré cela, l’observation n’est assurée que grâce au repérage radio d’un individu portant une balise. Le walk se fait en petit groupe éclairé par une lampe rouge. C’est loin d’être l’idéal pour la photo mais j’ai quand même pu assurer une photo témoignage du Kiwi d’Owen – Apteryx owenii qui une fois convertie en noir et blanc est à peu près regardable.
1 - Kiwi d'Owen Version d'origine (Nikon D4 - 10.000 isos f/2.8 et 1/30")
2 - Après conversion et retraitements (Cliquer pour accéder à l'image en HD)
Plusieurs petites obs ensuite, très fugaces, d’autres individus non balisés (3 en tout) sur le même secteur. Le site est également favorable à l’observation des très rares Takahé (dans un enclos) et Tuatara (en enclos mais également en liberté) ainsi que d’espèces endémiques tels que les Kaka, Kakariki, Hui,Tui, Mohoua, Rhipidure, Créadion rounoir,…
Mais les toutes meilleures chances d’observer l’oiseau mythique d’après les guides et sites internet se présentent sur l’ile de Stewart Island. Petite Ile au sud de l’ile du sud, c’est l’ile incontournable à visiter pour un amateur d’oiseaux. Seul le hameau d’Oban est un ilot de civilisation, le reste de l’ile étant très sauvage. Et la moitié des effectifs de Kiwis de toute la Nouvelle Zélande y résiderait (soit entre 20 et 30.000)… Sans trop s’éloigner d’Oban, l’ilot d’Ulva est un concentré de l’avifaune du pays. J’y ai vu de belles choses notamment la prédation d’un râle Wéka sur une Perruche de sparrman ! J’ai donc passé 4 jours à Stewart island mais, un peu échaudé par la grande difficulté à observer l’oiseau, dès le premier soir je me suis joint à une excursion nocturne organisée afin d’assurer la coche de l’espèce (ici le Kiwi austral, Apteryx australis). Embarquement sur le Wildfire pour 1h30 de mer permettant d’atteindre une plage reculée. Durant la croisière : observation proche d’Albatros de Buller et de Manchots Pygmées. Arrivé sur site, après une marche d’approche d’une demi-heure, nous parvenons à une plage où nous observons assez facilement et successivement 4 individus en train de fouiller le sable avec leur long bec à la recherche de nourriture (petits insectes et micro crustacés). Une assez bonne observation d’individus actifs et une obs relativement prolongée (une bonne vingtaine de minutes) malgré le nombre d’observateurs (nous sommes une douzaine) grâce aux précautions prises dans l’approche et à la distance maintenue avec les oiseaux. Là encore l’observation de nuit et la lumière ténue utilisée pour éclairer les oiseaux sont peu favorables à la photographie.
Quelques photos pas top mais documentaires
3 - Kiwi Austral en train de fouiller le sable (Cliquer pour accéder à l'image en HD) - (Nikon D4 - 4.000 isos f/2.8 et 1/10")
4 - Drôle de bouille de face (Cliquer pour accéder à l'image en HD) - (Nikon D4 - 4.000 isos f/2.8 et 1/25")
5 - de profil on peut mieux apprécier le longueur du bec (Cliquer pour accéder à l'image en HD) - (Nikon D4 - 10.000 isos f/2.8 et 1/40")
Voilà, l’essentiel étant assuré, les 3 jours suivants furent consacrés à écumer en solo Stewart Island à la recherche des Kiwis – soit disant « faciles » à contacter sur l’ile y compris de jour. Malgré de nombreuses heures d’excursions : aucun Kiwi observé à la lumière du jour
. Pourtant les oiseaux sont bien présents et …très proches. Dès ma première soirée sur l’Ile, depuis mon B&B, j’entends leurs cris déchirant la nuit. Sur les conseils de mon hôte, je tente une obs de très bon matin avant le lever du jour à proximité de notre logement dans un secteur de lisière entre un résidu de forêt primaire et une zone ouverte.
Une expérience métaphysique :
Il fait nuit noire, je progresse à la lumière de la lune de temps en temps aidé par ma mini torche. Dès mon arrivée sur le site, j’aperçois une forme ronde à une 30 aine de mètres de la lisière au milieu de ce secteur ouvert. Impossible de croire qu’il puisse s’agir de l’animal tant convoité. Trop facile ! Je pointe ma torche pour vérifier. Houla, je n'en crois pas mes yeux : c’est bien un Kiwi
. Après presque 2 mois et tant d’excursions infructueuses, voilà que l’oiseau se présente à 400 mètres de ma chambre d’hôte ! Mais, inquiété par cette lumière, pourtant discrète car je suis à 50 mètres muni d’une simple mini-maglight, l’oiseau se met en mouvement. Ce fut bref ? Que non ! Au lieu de s’éloigner, le Kiwi fonce dans ma direction. 20 mètres : je ne bouge pas une oreille ; 10 mètres : je rêve ; 5 mètres : dois-je tenter une photo ? J’ai tout mon arsenal photographique sur moi (15kg !), mais je suis figé sur place n’osant bouger d’un millimètre de peur de rompre le charme. De toute façon, de nuit, seul le flash pourrait permettre une photo et ce serait la fuite plus que probable de l’oiseau. 1 mètre : c’est incroyable ! Pour une obs, ça c’est une obs ! Mais là où cela tourne à l’expérience métaphysique c’est quand le Kiwi s’approche presque à me toucher et puis avec son bec …mordille mon bas de pantalon
. 2 ou 3 petits pincements et puis, oups, le voilà qui finalement s’éloigne, sans panique mais avec détermination vers la forêt proche. Voilà qui fait ma journée, ma semaine et mon voyage. Pas de photo mais un moment o combien étrange, extraordinaire et jubilatoire. Et je deviens du même coup l’un des rares humains à avoir été picoré volontairement par un Kiwi sauvage ! Une de ces rencontres animalières inoubliables qui vous font courir, patienter, voyager, transpirer et vous récompensent parfois de façon inattendue.
Jérôme
Le récit sur mon site web