Yaara
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Localisation : West Africa
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« Répondre #3 le: 12 Mars 2013 à 13:35:00 » |
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Un sujet que je connais malheureusement bien. Ici en Afrique de l'Ouest, où la faune a déjà été largement décimée, la viande de brousse continue d'être largement consommée. Comme vous l'avez déjà dit, ce sont essentiellement pour des raisons culturelles et économiques. Mais ici, les autorités sont souvent complaisantes, voire parfois complices. Et les moyens de lutte sont dérisoires. J'ai vu de tout sur les étals des marchés ou lors d'enquêtes, de saisies ou simplement au village, à cuire ou à fumer dans la cour familiale... des primates en tout genre, du pangolin, du croco, de la vipère, du python, tous les bovidés possibles et imaginables, du porc-épic (qui est en effet un mets très apprécié et même recherché), du suidé (y compris dans les pays musulmans), etc. Même les félins -quand il en reste- passent à la casserole.
Mais la viande n'est que l'une des facettes du trafic. Certains animaux valent par exemple bien plus cher vivants que morts. Pour prendre un cas que je connais bien, les chimpanzés, nombreux sont les bébés dont les parents ont été abattus pour la viande. Mais les petits survivants (qui prennent quand même parfois des plombs au passage, en plus du traumatisme d'avoir vu leur mère -et souvent d'autres membres du groupe- se faire tuer) rapportent plus d'argent en étant vendus comme animaux de compagnie. Sur le marché local, ça va de plusieurs centaines de dollars à un ou deux milliers, au niveau international ça peut allègrement dépasser 10 000 US$. Il en va de même pour un autre type d'animal que je connais bien, les félins. Un bébé lion ou léo, c'est tellement mignon ! Sauf qu'une fois adolescent puis adulte, ça devient gros, cher à entretenir et un tout petit peu dangereux... et les carnivores ont la cote ; vous ne pouvez pas imaginer le nombre de gens qui ont chez eux, ici, des civettes, mangoustes, genettes, mais aussi des léopards ou des lions ! A ce propos, n'achetez jamais, ô grand jamais, un animal sauvage, même pour le relâcher quelque part ou le donner à un refuge. Vous ferez plus de mal que de bien, car en voulant en "sauver" un, vous en condamnerez beaucoup d'autres, en encourageant la capture future de ses congénères. Dans d'autres cas, c'est bien morts que les animaux valent le plus cher, mais la viande n'est pas toujours ce qui est recherché en premier. Elle est souvent "offerte" au chasseur comme bonus (sauf dans le cas de "mets" très spéciaux), pendant que le commanditaire récupère les peaux, os, griffes, dents... C'est bien connu qu'un médicament à base de poudre d'os de lion, ça soigne tout, à commencer par les pannes sexuelles !
Il est important de noter, et je ne m'appuie pas sur des rumeurs mais sur des données publiées et vérifiables, que l'immense majorité du trafic international en provenance d'Afrique est à destination de l'Asie, et de la Chine en particulier. Mais tout le monde ou presque ferme les yeux. Pas plus tard que la semaine dernière, la Guinée-Conakry a été sanctionnée par la CITES. Plus aucun permis d'export ou d'import ne sera plus délivré tant que les autorités n'apporteront pas la preuve qu'ils ne délivrent plus des permis à n'importe qui, n'importe comment. A votre avis, les pays de destination de l'écrasante majorité des exportations ? Chine, mais aussi Vietnam, Japon... dans un pays où le niveau de vie est extrêmement bas, il n'est pas bien difficile de corrompre de hauts fonctionnaires... croyez-vous que ces pays importateurs ont eux aussi été sanctionnés ? Pas le moins du monde. Nombre de pays africains -ou du moins leurs dirigeants- préfèrent brader leurs ressources, incapables de les exploiter ou de les valoriser eux-mêmes (parce qu'ils ne le veulent pas, qu'ils ne s'en donnent pas les moyens, sinon les compétences ne manquent pas). Le développement ne peut pas passer par ce système. L'argent des miniers, des forestiers et autres pétroliers n'est pas réinvesti dans la formation des locaux, pour pouvoir devenir enfin maîtres de leurs propres richesses naturelles. Cela passerait aussi par le développement d'une agriculture moderne et modérée ou dans le perfectionnement des systèmes de santé et d'éducation.
Pendant ce temps, la majorité crève de faim et manque d'argent, et va donc chercher où elle le peut ce qui lui manque. Sans aucun souci de savoir ce qu'il en restera demain, leur souci étant de savoir s'ils vont trouver de quoi manger aujourd'hui.
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