allez zou c'est repartis. Aujourd'hui: les gorilles
Jour 7 :
Nous somme tendus comme à quelques heures d’un examen important on avale difficilement 1 toast chacun. En sortant le spectacle du lever de soleil sur le sommet du Sabinyo sonne comme une bouffée d’oxygène :
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D’ailleurs en l’espace de quelques minutes le sommet se dégage totalement :
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1mn de minibus et voila l'ORTPN enfin.
On remplis 3 papiers on discute un peu avec les gens et l'ambiance nous détend. Les gardes sont en briefing, on attend 20mn.
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Coté Rwandais il y a sur le massif environs 13 groupes de gorille identifiés. 5 sont accessibles au public, 7 aux chercheurs mais il arrive, en période de pointe, que certains groupe de recherche soit utilisés pour le public.
L'importance et la composition des groupes sont évidemment très variables ce qui rend leur " attrait " variable aussi. Logiquement un groupe nombreux à de nombreux bébés et jeunes et est donc plus dynamique et potentiellement riche en observations. La star incontesté c'est le Susa groupe, 41 individus, 4 dos argentés et un grand nombre de bébés, jeunes et femelles. Les groupes plus petits se composent d'un seul dos argenté avec 3 ou 4 femelles, plus quelques jeunes et un ou deux bébés. Tous ne sont pas également accessibles non plus, si certains ne nécessitent que 20 à 30mn de marche facile d'autre comme le Susa ou le groupe 13 demandent 1h de voiture et parfois 2 ou 3 heures de marche en forêt dense pour établir le contact.
En ce qui nous concerne nous avons 2 visites de réservées et espérons donc avoir le Susa groupe à l'une ou l'autre. Maintenant pour notre première rencontre on attend juste de savoir quel sera notre groupe. On espère seulement ne pas avoir un groupe trop " facile " d'accés, histoire d'avoir un peu le temps de profiter de la forêt et de la ballade. Et puis nous ne venons pas au zoo mais voir des animaux sauvages ce qui, pour nous, devrait s'accompagner d'un minimum d'effort.
Les attributions font l'objet d'intenses tractations entre les guides privés et ceux du parc. Les critères sont mystérieux on attend donc fébrilement.
Felix revient, " c'est le Hirwa groupe ".
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Les signes en bas de chaque images sont un schéma des rides du nez qui, comme nos empreintes digitales, permettent une identification des individus.
Avant le départ j'avais récolté et compilé le maximum d'info, composition et localisations des groupes, photos d'identifications de certains individus, etc et tous est consigné dans un petit carnet. On se jette donc dessus ! bon c'est un petit groupe intéressant. Facile d'accès mais comportant 1 dos argenté (Muninya), 3 ou 4 femelles (je n'ai pas le sexe de tous les individus) et 4 bébés.
Les groupes de visite sont de 8 personnes nous avons donc 6 " amis " pour la visite et il est difficile de ne pas céder à la caricature. De bon gros américains, classiques équipés comme pour un safari en voiture au Kénya. En même temps on s'en fiche un peu, l'important c'est les gorilles.
Premier briefing des gardes, présentations du groupe et de son historique. C’est le groupe le plus récent, le dos argenté s’appelle Muninya. Hirwa en kinirwandais signifie chanceux. En effet Muninya a quitté sont groupe d’origine (le susa) à sa maturité. Il est resté quelques temps seul puis a entamé une série d’interactions rapprochées et musclées avec d’autres groupes afin de subtiliser des femelles et constituer son propre groupe.
Le terme subtiliser est d’ailleurs un raccourci. Ont décrit souvent les gorilles comme fonctionnant sur le modèle du harem mais ce mot, emprunté à notre vocabulaire, masque une certaine réalité des choses.
En effet le ratio des naissances est neutre (presque autant de mâle que de femelle) mais il n’y a qu’un seul mâle mature par groupe de disons 5 à 10 femelles. Dans de très grand groupe (15/20 femelles) plusieurs dos argenté peuvent se côtoyer mais sur un groupe de taille « classique » le dos argenté est seul.
La conséquence direct est donc que tous les mâle ne peuvent former de groupe (pas assez de femelles) l’offre (le choix) est donc supérieur du coté des femelles. Ainsi au final (et en dépits des apparences et du rapport de force) ce sont elles qui choisissent leur dos argenté et peuvent à tous moment décider d’aller ailleurs, si elle pense trouver mieux. C'est-à-dire un mâle plus fort ou plus expérimenté ou même simplement pour changer de statut social. Il y a une hiérarchie strict et héréditaire chez les femelles et donc émigrer vers un groupe en formation peu permettre a des individus en bas d’échelle d’occuper une meilleure place dans un nouveau groupe.
Dans le cas du Hirwa groupe Muninya a donc entamé de manière répétés et rapproché dans le temps une série d’interaction avec tous les groupes rencontrés. Chose rare, à chaque fois il est sortis victorieux de ses affrontements avec les autres dos argentés et à chaque fois il a vu 1 ou 2 femelles rejoindre son groupe. Une telle série de succès étant exceptionnelle c’est pourquoi les garde l’ont trouvé chanceux et on ainsi nommé ce groupe.
Les gardes nous donnent quelques conseils sur les comportements à adopter. Si jamais on tousse se détourner et mettre la main, ne pas toucher les jeunes même s’ils approchent, rester calme, parler à voix basse, se déplacer lentement, etc. Rien de neuf, mais toujours utile à préciser.
Puis nous reprenons les voitures, 30mn à 5km/h sur un chemin particulièrement défoncé et nous sommes arrivés au point de départ.
Le sabinyo au pied du quel se trouve le groupe Hirwa.
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La colonne, encadrée par 2 soldats armés, entame doucement sa monté à petit rythme car, même leurs sacs confiés à des porteurs, nos " amis " peinent un peu.
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Le chemin serpente au milieu des cultures et des maisons et moins d'une demi heure plus tard le muret de délimitation du parc se profile, et nous commençons à le longer. On questionne le guide sur la distance à couvrir et il répond évasivement quand une odeur reconnaissable entre mille chatouille mes narines.
Il me répond " non non, ils sont encore loin ! ". Mouais prend moi pour une truffe aussi !
mais bon c'est de bonne guerre il cherche à ménager ses effets. 2 mn plus tard 2 trackeurs sortent du bois de bambous.
Rapide discussion, on franchit le mur marchons 10mn et posons les sacs: nous y sommes !
En effet le contact se fait sans les sacs et sans les bâtons de marche. Il s’agit donc d’être organisé surtout que j’ai du matériel à trimballer. Nous posons donc tous et transférons batteries et cartes mémoire dans les poches. Pour ma part je prends 2 boitiers (20d/50d) avec respectivement un 70/200 2.8 et un 300 2.8 plus les convertisseurs (1.4 et 2) ainsi qu’un 24/70 en étuis à la ceinture. Je suis un peu encombré pour évoluer sur la pente glissante dans les bambous mais ça va.
Nous marchons 5mn encore, des craquements, on s'arrête !
Et là nonchalamment une femelle nous passe devant petit sur le dos à moins de 5m totalement indifférente à notre présence. Elle s'enfonce aussi vite qu'elle était apparue dans une profonde cuvette.
C’est flou je sais mais c’était la première alors je garde
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On repart pour 10mn de marche pour contourner ce relief et arrivons au fond intact après moult dérapages sur la pente abrupte. Cette fois ils sont autours de nous. En fait tous ne sont pas encore sortis des nids du matin et certains jeunes nous regardent passer en dessous d'eux. Je m’attends à ce que l’un deux nous urine dessus au passage mais non, la douche ne viendra pas
Enfin on arrive dans une toute petite zone ouverte dans cette zone de bambou dense, Muninya le dos argenté est là ainsi qu'une femelle que j’identifierai comme étant « ntamuhezo », un bébé et deux jeunes qui jouent à trap-trap. 2 ou 3 autres femelles sont très proches, on sent plus qu’on ne voit leur présence et elles se tiennent un peu à l’écart.
90 : ntamuhezo
91 : Muninya
Voila on y est, on se pose et on observe et seulement là je réalise vraiment. Accroupis je peste d'abord contre quelques branches parasites dans mes cadrages puis me calme bien vite devant le spectacle. On est là, ils sont là aussi, on a 3/4 d'heure devant nous et c'est le moment ou jamais de s'imprégner de ce moment exceptionnel.
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Le temps passe, les adultes mangent tranquillement tandis que les jeunes se poursuivent dans tous les sens dans les bambous. Une femelle s'intéresse alors à nous. Je lis dans ses yeux la curiosité et l'envie de s'approcher mais le dos argenté est là et il vient déjà de mener une petite charge d'intimidation vers une femelle avec à la solde un vigoureux coup de pied à cette dernière. Elle hésite, avance d'un pas faisant mine de rien mais sensiblement elle se rapproche. Je ne perçois pas d'agressivité dans son comportement mais comme je l'ai souvent observé chez leur cousin en parc elle à tous les signes des gorilles décidés à tenter ce qu'elle sait être une bêtise et comme un enfant dans la même situation, elle progresse faisant mine de rien mais surveillant attentivement le chef.
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Ce dernier s'est arrêtée de manger, Ntamuhezo est 3m devant nos amis américains quand rapidement Muninya se lève et charge. Elle esquive en nous passant devant rapidement et le dos argenté lui termine sa charge en bousculant le guide ce qui conduit tous le groupe des américains à s'asseoir à la suite dans un rapide mouvement de domino.
Voila les choses sont revenu à leurs place, Muninya revient à sa position de départ, se rassoit et reprend son repas. Ntamuhezo elle se résigne à rester à distance mais nous regarde toujours rêveusement.
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Les minutes filent, le guide annonce les 10 puis 5 dernières minutes mais je me demande bien comment on va se dégager dans la mesure ou les gorilles entament leurs premières sieste du jour et qu'ils se sont disposés en arc de cercle autours de nous. La seule voie possible est une pente très raide derrière nous. Et effectivement nous passerons par là, le garde devra tailler quelques marches dans la boue et la végétation à la machette et la remontée sera épique. Si les gorilles sont capable de moqueries, ils doivent bien se fendre la poire intérieurement de nous voir si maladroit.
Dernier regards en haut à nos amis et nous reprenons notre route dans les bambous vers la limite du parc.
Nous arrivons les premiers au QG de l'ORTPN, récupérons nos « diplômes » et faisons route vers la guesthouse les pensées encore perdues dans les brumes du Mont Sabinyo.
Pour l'après midi Félix nous propose d'aller voir les Pygmée, nous acquiesçons et encore pris par les gorilles je ne réalise pas totalement ce que cela signifie. Sur le coup je pense juste à un village pour touriste mais une fois sur place nous découvrons des huttes absolument misérables et des gens d’une pauvreté extrême. Felix nous invite à regarder dedans mais je ne peux m'y résoudre, l'impression de faire le voyeur dans un camp de SDF. Florence donne très discrètement à une femme un peu d’argent (à la femme car sinon son mari s’empresserai de les boire) et Félix nous explique que cette ethnie est totalement marginale, sans aucunes ressources et que pour aggraver le tableau ils se marginalisent à l’extrême eux même. Le QG de l’ORTPN est à 2km à vol d’oiseaux et le contraste entre l’argent généré par le parc et ces gens est tout simplement choquant. Félix me demande une photographie des huttes pour les envoyer à un ami susceptible de faire un reportage TV sur eux.
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Nous redescendons quand un homme prend a partie félix, puis 2 puis 3 personnes et rapidement un groupe se forme. Le kinirwandais à ceci de particulier que le ton renseigne mal sur le sens des conversations mais tandis que les enfants continuent à vouloir se faire prendre en photos et se regarder ensuite, nous comprenons que cela vire au vinaigre. Le groupe s’étoffe, quelques hommes ont des machettes à la ceinture et je vois des ado faire plusieurs aller retour vers notre véhicule hors de vue à ce moment.
Quand au bout de 20 mn l’un des hommes se plante devant félix frappant brutalement le sol avec un bâton le doute n’est plus permis malgré l’apparente bonne humeur de notre guide. Les palabres continuent de plus belle, je vois le bouquet d’arbres de la guesthouse, à tout casser à 1000m dans ma tête défile différents scénario tout en pensant que notre véhicule est sans doute immobilisé d’une manière ou d’une autre. Mais nous nous armons de patience en tentant de faire bonne figure. Ca palabres encore 20 ou 30 mn, hommes et femmes continuent, plus ou moins fortement d’invectiver Félix.
Finalement il semble les menacer de passer un coup de fils puis en passe un et là au bout de 2mn un homme apparaît pantalon noir chemise blanche immaculée, chaussure de ville et semble faire l’intermédiaire. Nous repartons pour 15mn de palabres a l’issue desquel l’étau se desserre et nous regagnons notre véhicule dont les 4 roues étaient abondamment bloquées avec des pierres.
Nous ne le saurons qu’ensuite mais la personne est un militaire en civil qui passait par là et voyant notre camionnette bloquée est monté voir ce qui se passait (rien à voir avec le coup de fils donc).
Les pygmées accusant félix d’avoir touché de l’argent pour nous emmener là et ne voulant rien leur donner. Lui souhaitait juste nous montrer une autre réalité du pays et que je lui fasse quelques photos.
Petit détails nous sommes le 20 janvier, le soir même c’est l’investiture d’Obamah qui sera largement suivit par les Rwandais.
La journée fut sacrément riche en émotions et c’est l’esprit un rien bousculé mais déjà aussi à notre visite du lendemain que nous nous couchons.