Photographe du mois de Juillet 2015 : J-PBlanchet

Je trouve très intéressant les différents regards porté sur cette image.

Personnellement je ne perçois pas de cruauté dans cette image. Pour moi, c’est une maman guépard qui vient nourrir ses petits et leur apprend à trouver eux même de la nourriture. J’y vois aussi les petits essayant d’imiter l’adulte, ce qui rend l’image même attendrissante. La gazelle étant l’une des principales sources de nourritures du guépard je n’y vois pas de problème. L’image aurait été beaucoup plus « choquante voir même cruelle » à mon sens, s’il y avait eu un chou-fleur à la place de la gazelle dans la gueule du guépard.
Dans la très belle image de Vahine, personnellement j’y vois un guépard qui scrute l’horizon en quête d’une proie potentielle ou pour voir arriver à temps un éventuel concurrent. Je ne pense pas qu’il soit en train de regarder s’ébattre les gazelles ou autres animaux de la savane pour son plaisir. Dans la magnifique image de Nicolas, j’imagine la maman faire comprendre à son petit « si tu restes bien sagement tranquillement caché dans les herbes, maman pourra te ramener un excellent repas.

Je ne suis pas tout à fait d’accord pour dire que c’est la gazelle qui est la plus faible dans l’histoire. Cet individu a bien sûr couru moins vite que les autres, mais les autres finiront certainement toutes de la même manière lorsqu’elles seront à leur tour devenu le maillon faible du troupeau. Dans le Massai-mara c’est pour le guépard qu’une association vient d’être créée dans le but de l’aider à survivre. Des gardiens vont se relayer entre-autre pour surveiller les petits guépards pendant que la mère chasse. La gazelle de Thompson ne semble pour le moment pas trop en danger contrairement au guépard dans cet écosystème.

Nous avons souvent tendance à percevoir la nature comme une collection d’animaux et de plantes « posés » les uns à côté des autres pouvant être regardés, étudiés et même photographiés indépendamment les uns des autres. Perception qui je pense a été dans l’histoire de l’occident largement influencée par ses racines chrétiennes. L’idée du créationnisme, du bien d’un côté et du mal de l’autre, ont contribués à modeler les perceptions dans notre société.
Dans la réalité, les espèces ont évolué ensemble en étroite interdépendance. Un guépard est ce qu’il est aujourd’hui parce qu’il y a des gazelles et les gazelles ne sont ce qu’elles sont aujourd’hui que parce qu’il y a des guépards.
Les animaux n’ont pas non plus des bons et des mauvais comportements. Ils ont le comportement qui leur permet d’exister et de faire exister les espèces dont ils sont dépendants.

Cela dit, je comprends bien que l’on ait envie de regarder ou d’imaginer une nature idéale ou « Le loup habitera avec l'agneau, la panthère se couchera avec le chevreau; Le veau, le lionceau, et le bétail qu'on engraisse, seront ensemble… », Comme cela est prophétisé dans les textes bibliques (Ésaïe 11:6). Je comprends cela d’autant plus que j’ai été élevé dans un milieu protestant fondamentaliste où il ne faut pas regarder d’images ou films considérés « violents » et où tout est mis en œuvre pour se protéger des « mauvais comportements » humains. J’ai ressenti de la violence et de la cruauté lorsque j’ai découvert que l’on m’avait « séquestré » dans une « bulle protectrice » et que malheureusement, la réalité est tout autre. Par un comportement qui se voulait protecteur et bienveillant, on m’avait tenu à l’écart de la réalité naturelle que j’allais alors devoir affronter.

Personnellement, j’ai effectivement maintenant plus un regard de naturaliste que d’idéaliste sur les photographies animalières. Il y a certainement un équilibre à trouver dans ces deux approches car une certaine dose d’idéalisme raisonné peut aussi parfois nous être profitable.

Pour moi, le Massai-mara n’est pas « la réserve d’un magasin d’animaux en peluche ». Promouvoir une nature idéale me semble parfois aussi contre-productif. Vous aurez sans doute remarqué que les personnes ventant la qualité d’un dentifrice dans la publicité, ont des dents parfaites et blanches qu’on ne rencontre que très rarement dans la réalité. Cela rapporte beaucoup d’argent au fabricant du produit. Même si on sait que l’effet montré ne sera pas forcément au rendez-vous, on achète le produit pour entretenir l’illusion qu’il est possible d’avoir les mêmes dents car c’est humain. S’il n’en était pas ainsi, on ne mettrait pas autant d’argent dans ce genre de publicité. Voici pourquoi CHEETAH FOR EVER ne met pas volontiers d’images de gazelles ensanglantées dans la gueule d’un guépard pour sa promotion.

Il n’empêche que CHEETAH FOR EVER est là pour protéger et sauvegarder « un animal taillé pour courir après les plus faibles, les étouffer et les manger parfois même encore tout vivant. Un animal aux dents acérées à faire pâlir Dracula qui chasse pour nourrir des petits qui se feront eux-mêmes tuer et déchiqueter par les hyènes et les lions si personne n'intervient. Un animal aux griffes non rétractables qui possède un des taux le plus élevé de réussite lors d'attaques ».
L’image d’une chasse réussie d’un guépard me semble bien représenter une des raisons d’être de CHEETAH FOR EVER. Uns association qui cherche à aider le guépard naturel et non pas celui que nous imaginons ou que nous voudrions qu’il soit.

Si quelque part nous n’arrivons pas à trouver que cela est merveilleux, il vaudrait peut-être mieux laisser les vaches envahir le Massaï-mara. Ainsi nous aurons éradiqué une grande partie de cette «cruauté » qui semble tant nuire à la "belle" nature.

Amitiés, Jean-Pierre