le 20 Septembre 2008 à 14:40:00 15337 Vues
La cinquième interview de Colors Of WildLife est consacrée à un photographe animalier, conteur d’images.
Alain Pons
Quand la magie de la Nature opère une fois de plus sur Colors Of WildLife.
Graphiste de formation et passionné de photo et de nature, il a naturellement associé ces deux centres d’intérêt en s’orientant vers la photographie animalière. Alain Pons dirige une agence de communication et mène en parallèle son activité de photographe, mettant ainsi l’image au cœur de toutes ses activités.
C’est en arpentant le terrain, tout d’abord près de chez lui, puis en entreprenant des voyages, de par le monde, qu’il cultive, depuis bientôt 30 ans, ce besoin vital, d’être en communion avec la nature et le monde animal.
Il est fidèle à ses territoires photographiques dont l’Afrique, un continent auquel il voue une profonde passion. La faune y est abondante, les paysages riches, les lumières d’une infinie variété en termes d’atmosphère… Approcher, la faune sauvage, requiert une grande connaissance des espèces et des espaces et des longues heures de patience, d’attente sur le terrain
" Sous l'objectif d'Alain Pons, les animaux sauvages se livrent sans pudeur à leurs rites, à leurs danses, à leurs ébats, nullement perturbés par la présence de ce baroudeur qui les connaît si bien, les aime et les montre tels qu'ils vivent. Leur milieu lui est familier et leur proximité nécessaire. Le respect qu'ils lui inspirent et l'envie de partager sa passion guident son travail et, seuls ou en troupeaux, au repos ou en pleine action, il les capte comme personne. Son oeil fasciné nous attire dans ce monde fascinant." (Extrait de la présentation de l’auteur, sur son site)
Nous le remercions, vivement d'avoir accepté de se prêter à cet exercice avec beaucoup de gentillesse.
COW - Peux-tu nous présenter ton parcours et ce qui t’a amené à devenir photographe animalier ?
AP - Après mes études de graphisme et de design, je me suis lancé dans la photo publicitaire. Dans le même temps, ma passion pour la nature et le monde animal (depuis toujours) a déterminé mon orientation. Tout en travaillant dans la création graphique, je me suis dirigé vers la photo animalière. J’ai eu la chance d’être remarqué assez vite et d’être invité à faire plusieurs expositions. De la, les articles sur mon travail dans différentes revues ont suivis. Cela m’a donné un sacré coup de pouce. J’ai aussi réalisé plusieurs campagnes de pub avec mes images de nature.
COW - Tu cultives, depuis bientôt 30 ans, ce besoin vital, d’être en communion avec la nature et le monde animal. Peux-tu nous en dire plus sur cette relation intimiste ?
AP - Pour moi être dans la nature est un besoin vital comme de boire ou de respirer. J’ai appris au fil du temps à connaître le comportement des animaux pour mieux les surprendre. Mon expérience de la mise en page, de la lumière et du graphisme m’a beaucoup aidé à prendre le temps de composer mes images. Lorsque je me trouve en contact avec les animaux ou dans ces lieux sublimes de nature que je recherche, j’ai une impression de bien être dont je ne peux plus me passer.
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COW - On te dit : « fidèle à tes territoires photographiques » dont l’Afrique, un continent auquel tu voues une profonde passion. Que te procurent l’Afrique et sa faune sauvage comme émotions particulières ?
AP - L’Afrique est le continent où se trouve la plus grande concentration d’espèces animales sur la planète. En plus, j’ai l’impression que mes racines sont là. Je pense que tous les humains qui s’y rendent doivent avoir la même sensation. C’est là qu’est né “l’Homme”. Je suis un inconditionnel des félins et le rechercher est un grand bonheur. Alors le photographier !...
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COW - Un de tes nombreux ouvrages est dédié aux fauves d'Afrique. Comment as-tu préparé ce livre. La thématique s’est elle imposée d’elle-même, après avoir observé longuement ces maîtres de savane ? Quel est LA rencontre forte de ce livre ? Celle que tu retiendras plus que tout, émotionnellement parlant. Et pour terminer avec cette question, quel est le fauve africain, qui te fascine le plus ? Peux-tu nous en tirer le portrait en quelques mots ?
AP - Faire un livre sur les fauves d’Afrique est venu presque naturellement. J’ai passé tellement de temps avec animaux que je ne pouvais faire autrement. Je les ai vus vivre pendant des années et j’ai voulu faire un parallèle entre les trois plus important qui partagent d’ailleurs le même territoire. Le lion chasse en groupe, avec une stratégie étonnante lorsqu’il passe à l’attaque, chacun a son rôle. Le léopard chasse à l'affût au lever du jour ou au crépuscule et c’est le seul animal qui pour protéger sa proie des prédateurs la monte dans un arbre. Il est capable de monter à plus de 6 mètres de haut une proie qui peut peser le double voir le triple de son poids. Je le certifie, je l’ai vu et j’ai les photos d’une femelle de 40 à 50 kg qui a réussi à monter dans un arbre un gnou adulte d’environ 120 à 140 kg. Et pour me faire plaisir, après en avoir mangé de bons morceaux l’a redescendu pour en faire profiter ses 2 petits cachés dans le bush.
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Lorsque j’ai du trouver un titre pour ce livre, mon intérêt pour la période “Fauve” de la peinture et le nom que des journalistes avaient donné à ces peintres m’ont incité à choisir ce mot. La rencontre la plus forte que j’ai connu en préparant ce livre fut ce magnifique instant que m’ont donné deux femelles léopards, la mère et la fille. J’étais sous l’arbre où elles se détendaient, mon objectif bien calé pour saisir la scène. Elles ont commencé par se lécher l’une l’autre, la face, les oreilles, le museau et au bout de 10 minutes, comme pour me faire savoir qu’elles étaient prêtes elles se sont tournées vers moi pour que je les immortalise sur la pellicule. Quel moment ! C’est un des plus forts que j’ai eu l’occasion de vivre. Vous avez bien compris que c’est le léopard qui me fascine le plus et après lequel je cours depuis si longtemps. Il est sûrement le félin le mieux proportionné, à l’intelligence la plus développée, c’est le plus discret et certainement le plus beau. C’est un animal que l’on voit peu et que tous les photographes recherchent. Lorsqu’on arrive à l’apercevoir sur un rocher ou dans un arbre on peut s’estimer chanceux.
COW - Comment mesures-tu les risques avant de planquer sur un spot ? Et en as-tu encouru pour immortaliser certaines scènes ? Si oui, peux-tu nous faire part d’une des expériences qui t’a marquée ?
AP - Les risques sur un spot sont de 2 ordres. 1/ Que l’animal que tu convoites n’attende pas que tu l’aies rejoint pour partir et la c’est fichu. 2/ Que ton chauffeur ne respecte par les règles et qu’il arrive trop vite sur un animal cela aura le même effet. Il y a plus de risques physiques en cherchant un tigre parce que le véhicule dans lequel on se trouve est complètement ouvert. Et un tigre qui passe le long du véhicule est très gros. Il faut se faire petit et discret...
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COW - Quelle serait la scène animalière que tu rêverais de prendre en photo ? Ta quête du Graal, en quelque sorte ?
AP - Je n’ai pas de préférence en général, mais les scènes de tendresses entres petits et adultes m’ont toujours fascinée. Voir cette attention et cette délicatesse montrés par les adultes aux petits me touche. Les scènes de combats entre les animaux sont impressionnantes. Surtout lorsqu’il s'agit de vrais combats, pas de simulations.
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COW - Pour changer de continent, peux-tu nous raconter tes rencontres avec les ours polaires et que penses-tu de l’avenir pour cette espèce ?
AP - Les ours sont aussi des animaux que j’aime passionnément. C’est le symbole de la force tranquille, comme l’éléphant, les ours blancs n’ont peur de rien. Un guide Inuit me disait à leurs propos : lorsque tu es sur la banquise et que tu te trouves dans un rayon de 500 m au delà d’un ours polaire, tu as une chance sur 100 de t’en tirer. Lorsque tu te trouves en deçà de cette distance tu n’en as plus aucune. Hélas l’avenir de l’ours polaire est quasi nul. Le réchauffement climatique fait que la banquise tarde de plus en plus à se former en hiver et fond de plus en plus tôt au printemps ce qui ne permet plus à l’ours de chasser les phoques dont il se nourri et de ne plus avoir de réserve de graisses suffisantes pour tenir jusqu’à l’hiver suivant. Donc il meure !
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COW - Quelle est ta vision, à moyen et long terme, des derniers espaces sauvages, qui peuplent notre planète ? Quel message à faire passer aux êtres humains, que nous sommes ?
AP - Ma vision est simple, j’ai tellement vu changer la nature depuis plus de trente ans, les espaces se rétrécir, les forets disparaître, rivières être polluées etc... Que je ne suis pas optimiste. Yves Paccalet a écrit “ Les hommes vont disparaître, bon débarras ! ” Sans aller jusque là, nous pouvons vivre avec la nature et les animaux, mais il faudra que l’on accepte de partager...
COW - Il y a 2 ans, au Festival de Montier-en-Der, un de nos membres, se souvient d’une histoire fabuleuse que tu as racontée à propos d’une rencontre avec des Raies Manta, lors d’une plongée. Il garde un joli souvenir de cette histoire et il aimerait que tu puisses la livrer à nouveau, pour les membres du forum.
AP - C’est vrai, je me trouvais sous l’eau en Polynésie et j’espérais photographier des raies mantas. Je me trouvais à environ 20 m et j’étais en tête de mon groupe pour ne pas être gêné pour mes photos lorsqu’une jeune plongeuse arrive à ma hauteur puis me dépasse. Je la laisse faire lorsque j'aperçois devant moi 2 raies mantas qu’elle n’avait pas vu qui venaient droit sur nous. J’essaie tant bien que mal de lui faire signe pour qu’elle descende se plaquer sur le récif et pour que les raies ne soient pas effrayées. Elle ne comprend pas mes gestes et avance droit vers les 2 raies entre deux eaux. La, avec stupeur je voie la première raie qui entame une sorte de pirouette autour de la plongeuse, la deuxième la rejoint et les deux animaux se mettent à danser autour de la plongeuse. C'était hallucinant, je n’avais jamais rien vu de tel, ni même imaginé une telle scène. Bien sûr j’ai fait les photos et cela restera le meilleur souvenir qu’aie vécue cette plongeuse... Et moi aussi !
COW - Avec quel matériel travailles-tu ? Peux-tu nous en dire un peu plus sur les choix de tes boîtiers, de tes objectifs ?
AP - Depuis toujours je travaille avec Nikon, c’est lorsque j’ai pu m’offrir mon premier F3 (à l’époque que je considérais comme ma “Lamborghini”) que je suis resté fidèle à cette marque. Depuis, même en numérique je continue. J’aime le design des boîtiers et la qualité des objectifs. (Attention ! Je ne touche pas un rond pour cela)
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COW - T’autorises-tu à effectuer un post-traitement sur certaines images ? Si oui, jusqu'à quel point t’autorises-tu à le faire ? Bref, quels sont les choix et compromis que tu fais pour affiner le "style Alain Pons" ?
AP - Les seuls post-traitements que je m’autorise, ce sont les niveaux. Après, lorsque je souhaite travailler la créa mais comme une créa originale, j’oublie la photo elle même pour recréer une nouvelle image. C’est un autre travail, mais j’annonce la couleur.
COW - Quels sont les 5 règles ou conseils que tu pourrais donner aux membres de Colors Of WildLife pour réaliser une bonne photo ?
AP - La patience, l’obstination, ne pas se contenter d’être un presse-bouton, travailler la lumière et le cadrage. La photo n’est rien d’autre que de la lumière sur un bout de plastique...
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COW - Quelle est la scène animalière, lors de ton dernier voyage photographique, qui t’as le plus marquée ? Peux-tu nous l’illustrer et nous la conter ?
AP - C’était en Zambie en mai dernier, rien de spectaculaire mais un moment émouvant. Nous mangions dans le bush sous le toit d’une paillote. Il était environs 21 h 00 et j’avais repéré une jeune genette qui manifestait quelque intérêt pour notre repas. Malheureusement, elle se trouvait dans le noir absolu et j’avais du mal à la voir. Je savais qu’elle venait de loin nous observer depuis un arbre pas très haut. Je me mis en planque avec mon appareil photo en espérant qu’elle se familiarise avec ma présence. Ce qu’elle fit. Je fixais ma mise au point approximativement et chaque fois que je pensais qu’elle était là, je déclenchais. Cela la faisait fuir instantanément bien sûr, mais sa curiosité et son intérêt pour notre repas était tel que je déclenchais, elle partait, revenait, je redéclenchais, elle repartait et ainsi pendant plus de 10 minutes, jusqu’a ce qu’elle abandonne la partie. Pour ma part, j’ai réussi plus de 20 photos.
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COW - Pour terminer : As-tu des projets en perspectives (livres, expositions en préparation…) que tu souhaiterais partager avec nous ?
AP - Oui, Je travaille sur 2 livres pour 2009. L’un sur le tigre et l’autre sur une vision que j’ai de l’Afrique depuis plus de trente ans. Je ne peux pas en dire plus, hélas ! Je refais aussi mon site internet qui est vieux (près de 20 ans) et qui comportera beaucoup de galeries de mes voyages à travers l’image et le monde. J’ai décidé aussi, fort de mes diverses expériences, de consacrer presque tout mon temps à monter des voyages pour transmettre à tous les amoureux de photos qui le souhaiteraient ma passion de la nature. J’ai déjà commencé d’ailleurs. Il suffit de m’envoyer son adresse email pour recevoir toutes les propositions de voyages.
Sa galerie sur Colors Of wildLife : Sous l'objectif d'Alain Pons.
(1) Photos d'Alain Pons
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