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Nouvelles: Photographe COW de l'année 2014 : Amarula
 
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par JP le 24 Mars 2013 à 22:21:00
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La 17ème interview de Colors Of WildLife est consacrée à un couple de photographes complémentaires. Elle aime capturer l’émotion rendue par un visage, il sublime la nature… Ensemble ils conjuguent passion et métier, en se répartissant les rôles et ce pour notre plus grand plaisir.

Cédric Jacquet et Elyane Van Coillie

Cedric Jacquet et Elyane Van Coillie


Pour en savoir un peu plus :
www.cedricjacquet.com
www.elyanevancoillie.com

Nous les remercions, vivement d'avoir accepté de se prêter à cet exercice.


COW - Comment et pourquoi franchit-on un jour le cap du passage à la photo pro connaissant la difficulté de ce métier ? Ne perd-t-on pas le feu sacré pour la photo avec tout le démarchage commercial qu'il faut effectuer pour se faire connaître ?

CJ  -  Après 14 années de travail dans le marketing/les relations publiques, Elyane avait envie de changer d’air. Pour ma part, après 14 années de consultance IT (bases de données), mon évolution, mes envies allaient à contre-sens du fractionnement observé dans le monde informatique. On aimait tous deux la photographie, et un élément externe nous a donné un coup de pouce : un ami, organisateur d’événements, nous a dit avoir beaucoup de mal à trouver un photographe professionnel capable de lui sortir des clichés de qualité de ses événements nocturnes. Nous avons proposé d’essayer – et cette société est devenue notre premier client régulier. Nous nous sentions techniquement au point, ce qu’un workshop avec Jim Richardson - photographe de National Geographic – nous a confirmé. Ensuite, Elyane a suivi une formation auprès d’Annabel Williams (GB) sur ‘comment vivre de la photographie’. Bref, professionnellement nous nous sommes lancés initialement dans la photographie événementielle …
 
Elyane s’est rapidement orientée vers le portrait, et a suivi plusieurs workshops de grands noms comme Norman Jean Roy, Platon et Andrew Eccles. De mon côté, j’ai passé un certain temps à photographier la nature de proximité. Puis, on a eu un autre coup de pouce : plusieurs prix remportés à des concours photo nature dès les premières participations. En soi, cela ne permet pas de vivre – mais cela donne une certaine visibilité auprès du public, et surtout auprès d’acheteurs de photos. La cerise sur le gâteau fut la photo « White on White », primée au concours BBC/Veolia Wildlife photographer of the year. Progressivement la photo nature a pris le dessus.
 
Changer de métier à deux simultanément a été une grosse gageure. D’un autre côté, je crois que notre complémentarité est une de nos plus grandes forces. Pour réussir à tirer son épingle du jeu, il faut vraiment tout un panel de connaissances et aptitudes qu’il est bien plus facile de combiner quand on est deux : les techniques (matériel et prise de vue), le post-traitement, le marketing, la vente, des notions économiques, les langues (marchés étrangers), même le bricolage (affûts, …), … Le fait de pouvoir laisser certains aspects qu’on aime moins à l’autre, sans que cela ne le dérange, permet de garder la passion de ce que nous faisons.

COW - Peut-on -vivre "confortablement" avec une telle activité ? Dégage-t-on une « rente » régulière suffisante pour espérer dépasser les frais en tout genre (matériel photo, frais aériens, frais de véhicule, frais d’hébergements… ?) Les stages photos sur le terrain, très à la mode, c'est "alimentaire" ?

CJ  - Tout dépend de ce que l’on entend par « confortablement » ! ;) . La photo nature a subi de profonds bouleversements – qui ne sont pas encore finis. Les raisons en sont (entre autres) :
- l’avènement du digital qui permet d’envoyer des photos tous azimuts (avant, on envoyait ses positifs ou négatifs dans une seule agence)
- la crise des médias papier (croissance de la demande de photos bien plus faible que la croissance de l’offre)
- paradoxalement, l’engouement pour la photo nature (offre accrue)
- et surtout, le bradage des prix : trop de photographes sont tellement contents de la perspective d’être publié, qu’ils sont prêts à faire abstraction de leurs droits d’auteur. Et cela va même plus loin depuis peu : certains payent pour avoir leurs photos publiées !!! Inutile de dire que cela a fait – et continue de faire - énormément de tort aux photographes professionnels.
 
Tout ceci fait qu’il faut diversifier ses marchés pour pouvoir s’en sortir. Ne pas rester cantonné à un ou deux marchés. Il faut être présent dans différents secteurs, et ce dans différents pays. Etre belges nous a certainement aidés pour cela : nous faisons partie du marché francophone, tout en ayant un pied dans le marché néerlandophone, et anglo-saxon. De quoi bien améliorer les possibilités de débouchés !
 
Pour en revenir à la question initiale : en vivre, oui, mais confortablement, non. Mais si c’était ça que je recherchais, je serais resté dans l’informatique !
Les revenus ne sont absolument pas réguliers - et liés à des événements (sortie d’un livre, exposition dans une galerie d’art…).


COW - On vous voit en Afrique Australe ou en Islande, mais y a t-il un fil rouge dans votre travail? Et que vous procurent : l’Afrique et sa faune sauvage comme émotions particulières ?

CJ  -  Jusqu’en 2009, je me concentrais essentiellement sur la photographie nature de proximité, ainsi que dans les pays nordiques (suivant la mode qui commence petit à petit à s’essouffler). Puis nous avons eu PicsMobile, notre camion d’expédition. Nous avons cherché un bon endroit pour peaufiner son développement – et l’Islande s’est imposée comme choix (nous avions très envie de visiter le pays ; et pour tester le camion : certaines ‘pistes’ sont très difficiles, test d’isolation thermique, de capacités de franchissement, sable mou, champs de lave, gués, … le tout dans un pays pas trop éloigné, et avec une excellente infrastructure de secours en cas de pépin). Suite à ces 2 mois en Islande, nous avons apporté quelques modifications au camion avant de l’expédier en Namibie. Depuis lors, nous retournons dans le sud de l’Afrique pendant 3 à 4 mois par an, et le camion reste sur place. L’idée initiale était travailler là-bas pendant environ 4 ans, avant de repartir sur l’Amérique latine, pour y faire des reportages. Mais vu les contacts établis, les nouveaux projets (PPNat – voir ci-dessous), les accords de reportages que nous obtenons, nous allons rester … bien plus longtemps. L’Amérique latine n’est pas encore à l’ordre du jour ;).
 
Notre premier vrai contact avec l’Afrique était un voyage de 6 mois que nous avions entrepris il y a 20 ans à bord de notre vieille Land Rover, de Dar El Salaam (Tanzanie) à Cape Town (RSA). Quatre contacts avec l’Europe sur l’ensemble du voyage, un confort bien plus spartiate que dans PicsMobile, un tourisme réduit et contenu dans quelques réserves naturelles : l’Afrique a bien changé depuis. Mais ce fut le début de notre passion pour ces pays. Nous y avons forgé des amitiés qui perdurent, et qui aujourd’hui font que nous nous sentons vraiment bien en Afrique australe – en Namibie en particulier, que nous considérons comme notre deuxième patrie. Nous avions déjà hésités à nous y installer il y a 20 ans… Les émotions sont donc toujours intactes, même après toutes ces années à sillonner cette partie du monde.


Lion (1)


COW - Quelle serait la scène animalière que vous rêveriez de prendre en photo ? Votre quête du Graal, en quelque sorte ?

EJ - En fait ce n’est pas vraiment l’espèce qu’on recherche dans nos photos mais c’est plus le rendu d’une ambiance, d’une certaine qualité de lumière. Je me souviens d’un de nos voyages en Namibie, alors qu’on parcourait le désert en attendant la demi-heure magique qui précède le coucher de soleil, la ‘Golden hour’. Soudainement tout le paysage se transforme en un monochrome reprenant toute la palette des tons dorés … Une vision extraordinaire qui ne dure que quelques minutes, et alors là, c’est la course pour capturer l’ambiance, trouver le sujet – une autruche en contre-jour … une dune qui se détache dans une mer d’herbes sèches … C’est vraiment la recherche de ces moments de lumières exceptionnelles tout en étant dans un endroit photogénique. Si en plus une scène animalière intéressante s’y déroule …

Autruche (1)
 
CJ - Nous ne voyageons pas dans l’optique « d’aller faire du XYZ » (remplacer XYZ par une espèce particulière). Notre force est plus dans le reportage global, qui nécessite la combinaison de nos deux visions de la photo. En découlent des reportages qui recouvrent paysages, animaux, et aspects humains. Avec une prédilection certaine pour les ambiances :) 


(1)


COW - Y a t-il une espèce animale que vous aimeriez croiser plus que tout autre?

CJ - EJ : Non, pas vraiment – bien que nous ayons une affection particulière pour les éléphants, les meerkats/suricates et les félins.

Elephant (1)
 
CJ - La rareté de l’espèce ne nous motive pas particulièrement : c’est une notion très relative. Pour illustrer, Sergey Gorshkov (photographe russe de renom) m’a dit un jour : « Cedric, quelle chance inouïe tu as d’avoir accès à un lac où il y a des Grèbes huppés ». C’est une espèce très rare dans certaines régions, et des naturalistes ou photographes font des centaines de km pour espérer en observer un … et ailleurs, c’est une espèce très ‘banale’. Tout est relatif … Cela dit, bien sûr que l’émotion devant un lynx, un léopard, un jaguar sauvage est plus importante que devant un springbok …
 
C’est d’ailleurs avec cette idée qu’est né le projet du livre « C’est Beau près de chez Vous ». Les espèces photographiées sont toutes plus ou moins communes dans quasiment toute l’Europe. www.cestbeaupresdechezvous.com
 


COW - "La photographie animalière et de nature un moyen pédagogique efficace pour protéger la nature". Qu’en pensez-vous?

EJ - Je pense qu’aujourd’hui on est tellement bombardé d’images que cela banalise la nature et ses espèces. Cette abondance d’images peut faire oublier que beaucoup d’espèces et d’écosystèmes sont menacés. Pour sensibiliser à l’importance de protéger ce qu’il reste de nature il faut à mon avis plus que simplement de belles images. Ce qui touche, ce sont des histoires, des témoignages. Fin 2012 nous avons fondé l’association PPNat - Photographes pour la Préservation de la nature - avec Sabine Bernert. Cette association a pour but de révéler le travail de personnes extraordinaires qui œuvrent pour la protection de la nature, et qui travaillent sur le terrain, souvent seuls ou dans des petites structures, qui avec très peu de moyens arrivent à faire une vraie différence. Ils n’ont pas les moyens – ni financiers, ni en temps, ni en compétences – pour faire leur promotion. Par contre, ils sont réellement efficaces dans leur domaine, la conservation. Et là, oui, nous pouvons contribuer.
L’organisation est encore toute jeune et compte 5 photographes qui ramènent des histoires et des images du monde entier, dans le but de mettre en avant ces efforts remarquables. www.ppnat.org


COW - Cédric qu’entends-tu par photographie nature éthique, A tu des exemples qui pourraient illustrer cela ? A l’inverse, que  signifie pour toi : photographie non éthique avec aussi des exemples ?

CJ - Le sujet est très vaste – je propose donc de n’aborder que certains points :
La photographie de nature est une arme à double tranchant. Elle permet une communication efficace : montrer ce que l’on trouve beau, intéressant, partager un moment fort... Et vu les moyens de partage de photos disponibles aujourd’hui (réseaux sociaux, forums, sites web, expositions et festivals, magazines), ce partage peut être très efficace : les photos sont vues un très grand nombre de fois. Cela donne envie à d’autres de faire la même chose. Combien de fois n’entend-on pas lors d’une expo : « Oh, elle est belle celle-là, je vais aller faire la même la semaine prochaine » …
 
Si on prend l’exemple d’une photo d’oiseaux au nid, faite au grand angle, ou encore le brame du cerf… Il peut s’en suivre des dérives vraiment indésirables : le premier photographe a peut-être pris toutes les mesures nécessaires pour s’assurer qu’il n’y ait aucun dérangement… Mais les copy-cats risquent fort de faire des (gros) dégâts, comme faire rater la nidification, de vider une place de brame…
 
Un autre problème vient du nombre de plus en plus important de photographes nature. Bien sûr, cela a un impact sur l’environnement si certaines règles élémentaires (dérangement…) ne sont pas observées. Mais en plus, cela engendre une course à l’originalité, au « jamais vu », qui mène à des dérives inacceptables… Et ce, de la part de certains amateurs mais aussi de certains des plus grands professionnels ! Pour rester au top – ou y accéder - certains n’hésitent pas à sacrifier le bien-être des animaux pour obtenir un cliché exceptionnel. Le tout avec la complicité parfois involontaire des concours, quand ceux-ci priment des photos issues de pratiques douteuses, voire scandaleuses.
 
Ce n’est pas l’endroit pour faire une longue liste d’exemples – je me bornerai à en citer trois dans le domaine des oiseaux :
- Il y a quelques années, un photographe pro de niveau mondial s’est fait exclure d’un grand concours photo, car il avait déclaré avoir utilisé des poissons vivants (300kg par fournée !) comme appât. Depuis, plutôt que d’appâter aux poissons vivants, il les électrocute juste avant de les jeter à l’eau … ce qui est admis en concours (appât mort) !
- Le harfang des neiges illustre bien la dérive des ‘copy-cats’ : c’est devenu une véritable mode d’aller au Canada pour les photographier. Initialement, les oiseaux étaient attirés par des souris dont on attachait la patte --> ils attrapaient la proie devant les photographes, et avaient à manger. Problèmes : les oiseaux ont vite appris, et le nourrissage est rentré dans leur routine de vie lorsque le nombre de photographes a augmenté. Ensuite, il y a eu des réclamations (des LPOs locales, naturalistes, …) et plutôt que d’abandonner la pratique, elle a été modifiée : les souris ont été placées sous une cloche en verre … Il ne s’agit donc plus d’appâts vivants, car l’oiseau – qui continue à faire son approche parfaite pour le photographe ne parvient pas à attraper la proie … et il s’épuise !!!
 
Pour moi, le bien-être animal passe avant la photo. C’est un élément essentiel de ma façon de voir l’éthique de la photo nature. Un autre élément est de quitter un lieu après y avoir fait des photos, en le laissant dans son état original. Modifier le comportement naturel d’un animal pour obtenir une photo ‘sensationnelle’ (illustrant un comportement ‘extra-ordinaire’) ne me semble pas approprié.
 
Le problème vient du fait que toutes les photos naturelles ou presque ont déjà été faites. Innover, créer du jamais vu est quasi impossible … et pousse certains à des extrêmes pour y parvenir quand même.


COW - Couple de photographes, avez-vous une répartition des différentes taches dans le couple, comme les Denis-Huot par exemple ? Est-ce que cela vous conduit à avoir chacun votre matériel, ou en avez vous en commun ?

CJ - Oui, nous répartissons les tâches. Certaines sont faites ‘en double’, par exemple la photographie elle-même, mais même là, en général, nous n’utiliserons pas la même focale, ou choisissons un point de vue différent pour avoir des clichés complémentaires. Nos sujets et types de photos diffèrent aussi : Elyane s’orientera parfois vers la photo de personnes, alors que les photos plus techniques (nocturnes, pauses longues, … ) sont plus ma tasse de thé. En ce qui concerne ‘tout le reste’, Elyane se charge plus de la sélection des photos, de certains types de post-traitements, de tout ce qui est mise en valeur visuelle (mise en page, mise en place des expos, …), du marketing, …
Pour ma part – j’aime regarder à quel point elle fait bien tout ça ! :)  Sinon, je m’occupe quand même de tous les aspects techniques, du matériel, de la logistique, sites web, de certains post-traitements (panoramiques par exemple), … J’ai aussi plus tendance à prendre la plume pour défendre les droits des photographes (vis-à-vis de pseudo-concours, par rapport à des décisions politiques ineptes, …).
 
En ce qui concerne le matériel : nous avons chacun nos boîtiers – ce qui n’empêche pas qu’occasionnellement on prenne le matériel de l’autre. Par exemple, Elyane utilisera mon 1D-X quand la lumière devient vraiment très faible. Ou moi j’utilise un de ses boîtiers quand il y a un risque qu’il soit écrabouillé/noyé/…  :). Pour les objectifs, ils sont mis en commun – mais la pratique montre que plus ils sont lourds, moins Elyane les utilisera. Enfin, trépieds, filtres ND, affuts, … sont aussi en commun, mais je suis le seul à les utiliser.


COW - Le matériel étant une part importante de la qualité des clichés rapportés, est-ce que vous êtes à l'affut des dernières nouveautés, pour utiliser autant que possible les avantages des progrès techniques, ou bien avez vous vos chouchous, vos petits préférés, qui vous suivent partout, pendant longtemps ?

CJ - 95% des photos se fait tout aussi bien avec du bon matériel qu’avec du matériel professionnel. Les 5% restants sont constitués des cas fort difficiles : très peu de lumière, une bonne stabilisation indispensable, … Dans ces cas, le matériel « dernière version » fait la différence entre un cliché exploitable, ou jeté … Pour notre série « Monochromes » par exemple, nous aurions pu ajouter des clichés si nous avions eu la qualité des derniers boîtiers & objectifs plus tôt.
 
Donc, à l’affut des dernières nouveautés : oui, pour les boîtiers, non pour les focales (sauf pour la dernière génération des super-télés, qui apporte un vrai ‘+’ en termes de poids pour une qualité accrue).
 
Des chouchous ‘longue durée’ ? Oui ! Le 85mm f1.2 par exemple (le seul objectif que nous ayons en deux exemplaires) est un objectif absolument hors pair (portrait). Mon ‘vieux’ 500mm n’est pas prêt à être déclassé, même si le nouveau 600mm (qui reste en Afrique, restrictions de bagages à main oblige …) est là pour prendre la relève.


COW - Vous autorisez-vous à effectuer un post-traitement sur certaines images ? Si oui, jusqu'à quel point le faites-vous? Bref, quels sont les choix et compromis pour affiner votre patte ?

EJ - Notre approche est très différente :
 
Pour Cédric : en tant que photographe animalier, il a tendance à être très puriste, à ne post-traiter qu’un minimum – ou pas du tout. Le côté esthétique doit être enregistré sur le capteur dès le début. Il est clair que pour les concours photos le post-traitement doit (devrait …) être réduit à sa plus simple expression. Par contre, l’assemblage de photos panoramiques est tout à fait de son ressort.

Pour moi par contre, c’est l’émotion dégagée par une photo qui prime. Donc oui, je post-traite volontiers : ma limite correspond à ce que nos illustres prédécesseurs faisaient en chambre noire – par contre je ne fais pas de composites, et ne vais pas escamoter un élément gênant dans une photo par exemple. Mon but est de traduire ce que j’ai ressenti lors de la prise de vue et de transmettre cette émotion. J’affectionne beaucoup le noir et blanc ‘expressionniste’ par exemple.


(1)


COW - Peut-t-on en savoir un peu plus sur les caractéristiques et aménagements du camion ? Le camion aménagé semble être un vrai atout mais il peut aussi être handicap, comment se fait le choix des destinations de reportages ? Comment acheminez-vous le camion vers vos destinations ? Par la route, par bateau ? Initialement créé pour la famille, ce camion est-il également le lieu de résidence des "stagiaires" ?

CJ - Les caractéristiques et aménagements du camion … J’y ai consacré déjà une dizaine d’articles sur mon blog – et n’ai pas fini ! En très résumé, il s’agit d’un camion tout terrain 4 roues motrices de la marque MAN, de masse maximale autorisée de 13 tonnes,  chargé d’une cellule d’habitation que nous avons aménagée selon nos besoins. Nous avons dû tout concevoir, faire l’ensemble des plans, car cela ne se trouve pas tel quel sur le marché – même s’il y a d’autres camions semblables qui existent (il y a une mini-communauté de personnes voyageant de la sorte). Ensuite, le gros œuvre a été confié à une entreprise allemande, et nous avons fait les finitions à la maison. Le but : bénéficier d’une très grande autonomie pour pouvoir se rendre dans des zones très très reculées (eau [nous pouvons traiter n’importe quelle eau pour la rendre potable], nourriture [frigo, surgélateur, + stock de nourriture], électricité [cfr ci-dessous], déplacements [>2500 km]), le tout dans un réel confort (indispensable quand on part à 4 pendant plusieurs mois ! à bons grands lits, douche, toilette).
 
Cela a été un énorme projet – il a fallu tout étudier, prévoir un maximum de choses. Faire appel à et coordonner une série de corps de métiers. Dans un sens, c’est plus complexe qu’une maison : pour l’électricité par exemple, il faut prévoir différentes sources (nous avons 880 Watt de panneaux solaires, + un alternateur sur le moteur du camion, + une prise d’entrée 110 – 240 V + un générateur de 2KW en cas de pépins). Toutes ces sources doivent être transformées pour pouvoir stocker l’électricité dans un banc de batteries au gel, en 24V. Ensuite, il faut un modulateur parfaitement sinusoïdal pour délivrer du 230V AC pour les disques durs externes, les ordis, le micro-ondes, … Tout en prévoyant un circuit en 12V / 24V DC (éclairage, frigo, pompe à eau, …). Et ça, ce n’est que l’électricité – il y a aussi la centrale d’épuration des eaux, le chauffage, … - le tout dans un espace très réduit ! Le toit, sur vérins de façon à obtenir un deuxième étage, a été un des plus gros problèmes à surmonter. Pour plus d’infos (ainsi que plans) : http://blog.cedricjacquet.com/
 
PicsMobile (Pics=abréviation de pictures, mais c’est aussi les initiales de nos 4 prénoms : Pul [= surnom d’Elyane], Igor, Cedric et Shani), notre camion, est un outil extraordinaire. Les défauts :
- ce n’est pas l’idéal dans les réserves et autres parcs nationaux d’Afrique, car nous sommes trop hauts pour être au niveau des yeux de la majorité des animaux. Mais à force d’avoir passé du temps en Afrique, nous sommes nettement moins intéressés par les réserves naturelles ‘standards’, pour diverses raisons.
- Le Botswana a une politique tarifaire absurde pour les camions – nous devons payer de l’ordre de 1000 $US par jour pour les réserves, rien que pour le véhicule. Autrement dit, soit nous louons une voiture, soit nous ne travaillons pas dans le pays. Nous avons choisi cette deuxième solution, étant donné que nous avions déjà fait le Botswana en Land Rover par le passé – et que d’autres pays ont l’équivalent de leurs plus beaux joyaux.
- Les tracas : ce sont les sociétés de location de voitures qui font l’entretien & les réparations des voitures à touristes ; elles s’occupent aussi de l’assurance et autres documents indispensables. Pour le camion toutes ces charges nous incombent.
 
Les avantages : L’autonomie, l’indépendance, la fiabilité, les capacités (franchissement, …), le confort, le prix (comparé au coût de 3-4 mois en Afrique par an, location + hébergement + gasoil + repas + …), la possibilité d’avoir tout son matériel avec soi (même affut flottant, …), la possibilité de voyager longtemps – agréablement (confort, qualité des nuits, …), et surtout, la possibilité de faire une partie des voyages à 4, avec nos enfants.
 
Le choix des reportages se fait donc relativement sans relation au camion – bien d’autres critères priment, étant donné la grande liberté que nous offre le véhicule.
Jusqu’à présent, nous avons pris le ferry pour aller en Islande ; et nous avons placé le camion dans un bateau à fret type Ro-Ro pour l’envoyer à Walvis Bay, en Namibie. Depuis, nous circulons pour aller d’un endroit de reportage à un autre. Le camion reste en Afrique entre nos voyages – parqué chez des amis, ou des connaissances. Quand viendra le moment de quitter l’Afrique, nous enverrons PicsMobile à nouveau à bord d’un Ro-Ro direction Amérique Latine. Les routes maritimes nous forceront peut-être de le faire via l’Australie – auquel cas nous en profiterons au passage ;).
 
Nous n’avons jamais utilisé le camion comme résidence à stagiaires : je ronfle parfois ;). Plus sérieusement – on a eu des demandes, y compris de Bence Maté, pour nous accompagner. Nous ne l’avons jamais fait jusqu’à présent, mais qui sait, peut-être lors d’un prochain voyage ?


Camion (1)


COW - Quelle est la nouvelle destination que vous aimeriez ajouter à votre liste ?


EJ - Il y en a tellement, entre l’Afrique, l’Amérique du Sud et Centrale, le Canada, l’Australie, la Nouvelle Zélande, la Mongolie et certaines parties de la Chine … Il y a des régions qui nous attirent moins – en général, celles à haute densité de population. Tellement de destinations – et trop peu de temps. En même temps, plus on rencontre des gens, plus on a envie de les revoir, de creuser leurs histoires, et moins on avance (géographiquement) ! Et puis, changer de continent veut aussi dire recommencer à 0, il faut nouer de nouveaux contacts, rebâtir un réseau, …


COW - Quelle est la scène animalière lors de votre dernier voyage photographique, qui vous a le plus touché ? Pouvez-nous l’illustrer ?

CJ - Je vais répondre volontairement légèrement à coté de la question :) :
 
J’ai eu la chance de pouvoir passer une grosse semaine dans une ferme du Kalahari Namibien. Une belle exploitation (14.000 Ha), dans une zone semi-désertique, juste après la saison des pluies. Pendant cette semaine, je n’ai vu personne. J’ai pu me vautrer, matin et soir, dans le mélange de boue et déjections animales, au bord d’une flaque résiduelle des dernières pluies. Au fil de la semaine, la flaque devenait de plus en plus petite, de moins en moins profonde. J’étais bien caché (filet) et imprégné des odeurs que des gnous à queue blanche ont failli me marcher dessus en venant s’abreuver. J’ai gardé un excellent souvenir de ce trip qui, à priori, pouvait ne pas sembler très excitant.


COW - Pour terminer : Avez-vous des projets en perspectives (livres, expositions en préparation) que vous souhaiteriez partager avec nous ?

EJ -  Avec Cédric il n’y a jamais moyen de s’ennuyer : il démarre sans cesse des nouveaux projets !
 
Cet été nous repartirons en Afrique avec le camion qui se trouve actuellement en Afrique du Sud. Nous n’avons pas encore défini l’itinéraire final – tellement de destinations sont ouvertes : entre retourner en Namibie, ou alors faire le nord du Mozambique encore fort peu visité ou encore la Zambie … Ce qui est certain, c’est que nous serons au Zimbabwe vers la mi-août. Après pas mal de demandes, Cedric s’est enfin décidé à donner un workshop photo. Celui-ci aura lieu du 11 – 20 août au Zimbabwe. Une première partie, plus orientée safari nature aura lieu sur le lac Kariba chez un bon ami à nous, Steve Edwards, guide hors pair qui y gère une réserve privée depuis 20 ans. Un vrai paradis pour les oiseaux (plus de 400 espèces !) et probablement l’endroit le plus extraordinaire pour observer les éléphants. Ensuite nous passerons 3 jours à Victoria Falls avec comme point d’orgue la photographie d’un arc-en-ciel lunaire au-dessus des chutes Victoria !


(1)

Cédric est un véritable ‘McGyver’ - pour ceux qui se souviennent de cette série – et n’arrête pas d’inventer et de fabriquer toutes sortes d’affuts, de drones et autres ‘gadgets’, … Cela fait un an qu’il met au point une espèce de mini catamaran muni d’un appareil photo (de préférence le mien d’ailleurs) pour pouvoir photographier les animaux au bord de l’eau de tout près. Cet été la nouvelle version devrait pouvoir permettre de faire des clichés vraiment étonnants. Affaire à suivre …

A part ça, nous avons beaucoup d’expositions prévues :
•    Monochromes, avril-juin 2013, Parc du Marquenterre, France
•    Une rétrospectives sur L’Islande, juin – août 2013, Aquascope de Virelles, Belgique
•    Regards d’éléphants, 10-13 octobre,  Images Nature Namur, Belgique
•    Photographes pour le Préservation de la Nature, exposition collective, 11-20 octobre, Festival Nature Namur, Belgique
•    Il y aura aussi Montier 2013
 
A travers nos voyages et les rencontres souvent fascinantes qui en découlent, l’envie de raconter et de témoigner devient de plus en plus forte. La suite logique est pour nous de nous mettre au documentaire (vidéo). Nous avons entamé un cycle de cours à la Vidéo Nature Academy, avec pourquoi pas dans le futur la réalisation de reportages documentaires.


(1) Crédit photos : Cédric Jacquet & Elyane Van Coillie
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