par JP le 30 Avril 2011 à 22:02:00 8429 Vues
La quinzième interview de Colors Of WildLife est consacrée à un photographe, qui est attaché à l'histoire et l'évolution des animaux qu'il découvre... De Skinny à Aime, à Maja, en passant par Captain... Il retourne avec passion sur ces territoires de rencontres.
Focus sur un COWpain
Pascal Clochez (Pikasso)
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Au fil du temps, son regard photographique a évolué... Grand adepte des tonalités froides (même en Afrique) et de la technique de la pause lente... Sous son objectif, les sujets animaliers défilent et filent….
Nous le remercions, vivement d'avoir accepté de se prêter à cet exercice avec beaucoup de gentillesse et de patience.
COW - Tu as dit avoir commencé la photo en Afrique avec un D200, mais t'intéressais tu à la photo auparavant (argentique) ?
PC - Pratiquement pas. J'ai bien eu un ou deux reflex argentiques avec les 50mm de base (1 Chinon puis un Minolta), mais c'était plus par envie de posséder un bel objet qu'autre chose. J'admire ceux qui travaillaient en argentique. Il fallait une sacrée patience pour noter les paramètres de chaque prise de vue afin de corriger les éventuelles erreurs au prochain voyage, attendre de recevoir les tirages, alors que ceux-ci pouvaient même ne pas rendre compte fidèlement des réglages si le labo était mauvais. Je n'ai absolument pas progressé avant l'arrivée du numérique et ses facilités associées, je savais à peine à quoi servait le diaphragme...
COW - Dans le tandem Pikasso – Vahine, voyageurs-photographes.
Qui est à la conduite, au montage et démontage de la tente, à l'intendance ?
PC - Sauf terrain difficile, nous alternons tous les jours les places, afin que chacun puisse profiter de la banquette arrière où il est plus facile de se positionner, et de ne pas être systématiquement pénalisé par la conduite pour suivre les animaux. L'intendance et le programme des parcs, c'est Vahi. La tente et les contraintes plus physiques sont pour moi, le café etc. pour Vahi. En fait nous sommes maintenant parfaitement rodés. Chacun sait ce qu'il a à faire et nous allons donc très vite en ce qui concerne les corvées du campement.
Echangez-vous votre matériel photographique ou chacun le sien ?
PC - Nous avons chacun nôtre matériel, plusieurs boîtiers et objectifs. Normalement on n'échange pas, sauf dans l'action si un matériel n'est pas utilisé par l'autre et qu'il nous semble approprié aux circonstances.
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Faites-vous des compromis sur les sujets à photographier ou vous êtes toujours sur la même longueur d'ondes ?
PC - Je crois que nous n'avons jamais eu de compromis à faire sur les sujets... Il est quand même assez rare de devoir choisir entre un léo et un guépard en même temps, non ? Nous saisissons justes les opportunités...Par contre nous faisons des compromis sur le choix du placement du véhicule, et là, çà râle parfois!
Chacun est-il autonome dans le post-traitement des images ? Et jusqu’où t’autorises-tu à post traiter ?
PC - Chacun est absolument autonome dans son post-traitement. Nous échangeons nos trouvailles, mais nous n'avons pas nécessairement la même approche. La meilleure photo est toujours celle qui nécessite le moins de post-traitement. Mais j'aime jouer avec l'ordinateur et je ne m'interdis rien, puisque je ne dois rien à personne, et je ne fais que m'amuser en photo. Cependant, j'aime rester cohérent avec la réalité de la prise de vue, et je ne me vois pas, par exemple, ajouter un élément à une photo qui n'était pas présent au moment du déclenchement.
COW - Quelle est la motivation première de vos voyages ? Revoir les animaux pour lesquels vous semblez éprouver de véritables sentiments, ou ramener de belles images ? Pour le dire autrement, pourrais-tu envisager de partir sans appareil photo juste pour être au contact de cette faune africaine que vous aimez tant, ou cela n'aurait-il plus aucun intérêt ?
PC - Je crois que je m'ennuierais ferme si je n'étais que spectateur passif lors de nos voyages. La photo me permet d'être actif et de fixer des instants fugitifs. Mais si j'avais la possibilité de travailler avec ou pour les animaux, avec des rangers ou des scientifiques par exemple, je serais également ravi. Une autre motivation est aussi l'envie d'en savoir plus sur les animaux, de maîtriser les peurs qu'ils peuvent susciter. Je suis aussi content de pouvoir progresser en conduite et "récupération" de 4x4, même si j'ai bien un sentiment de culpabilité en pensant à tout le pétrole et toute la pollution que nous générons.
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COW - Comment définirais-tu ton style photographique ? Et quel est le style d’images qui retient ton attention ?
PC - Avoir son propre style est extrêmement difficile, je ne crois pas en être là. J'essaie de faire des photos qui transmettent une émotion ou invitent à la rêverie. Je suis bien plus en admiration devant la photo originale d'un zèbre pourtant commun que devant celle d'un rare léopard prise de façon "classique". J'aime les photos de Nick Brandt ou de Bruno Calendini...
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COW - Quel animal rêverais-tu de saisir en filé ?
PC - Aucun en particulier, tous en général, et c'est bien difficile!
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COW - Dans les félins, pour lequel ton cœur balance-t-il en premier ?
PC - Sans réfléchir je serais tenté de dire les cheetahs (j'utilise l'Anglais ici car je n'aime pas le nom de Guépard qui sonne dur pour un animal qui semble si doux), mais en fait je les aime tous.
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COW - Arrives-tu aujourd’hui à observer ou photographier une scène de prédation, dans la savane ?
PC - Nous n'avons jusqu'ici jamais été témoins de mise à mort, juste des chasses loupées ou déjà terminées. Voir une chasse loupée nous réjouit, car il y a l'action sans ses conséquences. Si je vois le lion courir après le springbok, je ne peux m'empêcher de faire une prière d'athée pour que le plus faible s'échappe! Je ne prendrais aucun plaisir à observer un "kill". Mon grand drame est que certains doivent mourir pour que d'autres puissent vivre. C'est un dilemme insoluble que je supporte difficilement.
COW - Quel Secret Seven ambitionnes-tu de croiser ? Penses-tu qu'il s'agit du même que Vahine ?
PC - Ici j'ai du rechercher ce qu'étaient les secret seven. En fait nous avons déjà à plusieurs reprises photographié des ratels et des chats sauvages. Mais je ne rêve pas de ces animaux. Comme je l'ai dit plus haut, mon approche se veut plus artistique que naturaliste. Je ne sais pas pour Vahi, mais je dirais qu'elle est probablement comme moi.
COW - Vu que les conditions de voyage deviennent de plus en plus "baroudeuses": Vous êtes-vous vraiment sentis en danger à un moment, et si oui dans quelles circonstances ?
PC - Nous ne nous sommes jamais senti en danger immédiat mais, lors de nôtre premier voyage dans le Morémi, alors que nous étions embourbés sans savoir si qui que ce soit allait passer à portée de vue, et sans téléphone satellite, je n'étais pas fier du tout... J'avais un moment envisagé de laisser la voiture pour partir à pied, mais avec des marais tout autour, quelle direction suivre ? J'ai renoncé en nous imaginant devoir passer la nuit sans abris avec les lions, éléphants, hippos tout autour! Depuis, pas de voyage sans téléphone adapté! Ceci dit, le plus grand danger est sûrement celui dont nous n'avons pas eu conscience...
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COW Quel furent tes plus grands frissons africains (en positif, et négatif) ?
PC - Il y a la rencontre avec Killie, le jeune "cheetah" qui a couru après nôtre voiture comme s'il voulait que nous restions jouer avec lui, alors que nous devions rejoindre le camp car la nuit était là. Je rêve de revivre ces instants, de retrouver Killie! Et puis il y a ce bébé gnou à la patte cassée qui ne pouvait plus suivre sa maman et que celle-ci a décidé d'abandonner devant nous. On sentait l'hésitation, le déchirement de la maman, et l'incompréhension du petit! Un springbok était entre eux et les regardait alternativement, semblant ne pas comprendre pourquoi le bébé ne suivait plus. Y repenser me fait monter les larmes aux yeux...
COW - Quelle est la scène animalière lors de ton dernier voyage photographique, qui t’as le plus émue ? Peux-tu nous l’illustrer ?
PC - C'est la rencontre avec "la demoiselle de Swart Pan". Cette jeune lionne était si belle et si curieuse de nous voir...
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COW - Grand fan du Kalahari, quelle serait la prochaine destination qui te fait rêver ?
PC - J'aimerais trouver un Morémi, avec ses zones marécageuses aussi dépeuplées de touristes que le Central kalahari. Peut-être cet endroit existe-t-il au Zimbabwé?
COW - Tu as dit que tu ne voulais pas "vendre" tes photos, mais préparer une exposition et/ou un livre ne te trotte-t-il pas dans la tête ?
PC - Je crois qu'une exposition pose trop de contraintes. Un livre, pourquoi pas, j'y pense un peu, mais je sais bien que je n'ai pas encore assez de photos de qualité, et qu'il faut aussi avoir une histoire à raconter si l'on veut intéresser les éventuels lecteurs... Un jour peut-être, mais ce n'est pas un objectif.
Et encore quelques unes, voyages en Afrique (façon Proust remodelée)
COW - Ton lieu, objet et temps de planque le plus long ?
PC - Nous sommes restés une journée entière (d'environ 06h30 à 19h00) sans quitter le point d'eau de Letiahau (CKGR) alors que 3 jeunes lions y paressaient (nous les avons appelé Léthi, Thia et Oh, et nous les avons revu 3 fois depuis).
COW - Ton défaut principal en voyage ?
PC - Je mets mon doigt dans mon nez en conduisant parfois...
COW - Ton paysage le plus renversant ?
PC - La vallée que l'on surplombe depuis le camp d'Olifant, dans le parc Kruger. Un jour, nous avons vu (de loin) les lions sauter de rocher en rocher pour traverser la rivière...
(1) Crédit photos : Pascal Clochez
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