3.3.2006
Trouvé un bar qui fait des expresso de rêve. Enfin du vrai café. La première gorgée nous révèle tout de suite à quel point le Nescafé est dégueulasse. Vivement ma cafetière italienne.
J'ai croisé un ghanéen polyglotte. Nous discutons dans la langue de Dante, me permettant de dérouiller mon italien. ça me fait quand même drôle de parler cette langue au Mali.. Je vois une émission sur une station pyrénnéenne en plein hiver. Je me rends compte à quel point ski et montagnes me manquent. Bah! Demain on change d'air. Direction Sénégal.
4.3.2006
Rendez-vous au départ du bus à 9h. En bon suisse, je suis ponctuel. Nous partons à midi... Il aura fallu trois heures pour peser et charger le matériel. Maximum, 20 kilos par personnes. Le surplus doit être payé. Les femmes n'apprécient pas. Elles font du commerce à Dakar et ont de gigantesques cartons. Je me demande comment la totalité des bagages va entrer dans les soutes. Une galerie est crée sur le toit du bus avec trois bouts de corde. Mon vélo restera là-haut pour tout le voyage. Je ne suis pas tranquille... Les femmes crient. Elles ne veulent pas payer. Les hommes rient. Ils attendent de monter dans le bus que les femmes paient. Ainsi passe le temps.
Nous partons donc vers midi. La route défile, les arrêts et les pauses se suivent jusqu'au premier poste de contrôle. Les papiers sont ramassés et un malien va récupérer le sien en disant qu'il va lâcher ses 1000 CFA. Je ne comprends rien. Les africains paient un maximum, et moi rien... Je glâne quelques explications. Les papiers ne sont pas toujours en ordre. Un voisin de siège voyage avec sa carte d'employé d'hotel. Forcément, les douaniers n'aiment pas trop et laissent passer contre espèce sonnante et trébuchante.
Nous devons faire une halte pour la nuit à mi-chemin vers la frontière. La route est fermée par sécurité. On craint les coupeurs de route. Nous nous endormons dehors et par terre. Certains malien du voyage découvrent les villages sans lumière et sans électricité. Ils ont toujours vécu à Bamako..
5.3.2006
Retour au Sénégal. Nous perdons notre temps à la douane. Les commerçantes n'ont pas assez d'argent. Nous restons et attendons l'après-midi sous un soleil de plomb. La douane de Kidira est loin du centre. Même pas l'occasion d'aller chercher de quoi se rafraîchir.. Rien de particulier sur la route si ce n'est d'autres contrôles et d'autre bakchichs. Je continue à ne rien payer et à ne rien comprendre. Les africains paient, le blanc regarde faire et récupère son passeport... Nous arrivons à Tambacounda à 10 heures du soir. Je retourne chez Dessert et m'endors rapidement.
6.3.2006
Je prends la journée pour acheter un pneu neuf. Je croise 4 français avec qui je discute un long moment. Le couple part pour un tour du monde, et les deux autres filles voyagent en taxi. Nous échangeons nos adresses et partons chacun de notre côté. Ils continuent sur le Mali. Je leur donne quelques informations. On retrouve les sénégalais et sens la différence avec le Mali. Les enfants sont beaucoup plus insistants. Les gens recommencent avec les "donnes-moi".
7.3.2006
Je pars direction Casamance, fin de la route pour moi. Je sens la fin du voyage. J'ai des problèmes récurrents de chambre à air. Je gonfle le soir et me retrouve le matin avec une roue à plat. Je roule en me demandant quelle sera ma prochaine tuile. Je me soucie de chaque bruit inhabituel venant du vélo. Le Mali et ses séries noires reste gravé dans mes souvenirs. Ce n'est pas forcément bon pour le moral. Il faut que je fasse une pause plus longue. Laisser le vélo de côté et ne plus le toucher. Me changer les idées. Pour l'instant je dois filer en Casamance. Je roule lentement.. A Velingara je croise deux jeunes français - Emmanuel et Florent - bossant pour une ONG. Nous passons quelques heures à discuter et à boire des bières. Je les reverrai régulièrement au long de ma route pour Zig'.
8.3.2006
L'atmosphère bouchée, poussiéreuse et étouffante. Cadeau saharien. Des Percnoptères brun percent la brume pour y disparaître aussitôt. L'ambiance est hitchcockienne. Je roule dans une véritable étuve. Le vélo est aussi chaud que si je roulais en plein soleil. Moi aussi. J'ai en plus l'impression d'avoir du jus de chaussette dans les jambes. La route s'est faite tranquillement. Arrêt dans une boutique à Kolda. Quand je dis la distance parcourue, je lance sans trop y croire qu'il pourrait m'offrire la boisson. Je reçois des Biskrem et deux sachets d'eau. Un régal... Je discute jachères, graines, engrais et politique de Casamance avec deux sénégalais cultivant le sésame dans la région.
9.3.2006
Journée pause. Arbitraire. Journée à ne rien faire. Dormir. Faire le tour des quartier. Observer les percnos dans le brume. Je revois Emmanuel et Florent. Nous nous donnons rendez-vous à Ziguinchor. Je flanne toute la journée et profite pour relire quelques nouvelles du pays.
10.3.2006
Je vise Ziguinchor pour la soiré. Je m'arrête à Bignona. J'ai été trop optimiste. 190 km pour la journée et le 5000 ème kilomètre du voyage.
Je traverse le fleuve Casamance une première fois. Des affluents aussi - les bolons. La marée remonte loin des côtes. Les rizières sont aménagées aux abords des villages. cours d'eau vaseux. Coureurs des sables. Aigrette ardoisée en train de pêcher - formant un parapluie de ses ailes - Sterne hansel, Guifette moustac, Pélicans. Tous sont là.
Je note encore ces différences entre Sénégal et Mali. Non seulement les enfants sont agressifs et vont jusqu'à s'accrocher à mes sacoches pour attraper des affaires, mais les adultes me demandent aussi de leur donner quelque chose. Toujours aussi désagréable. Toujours lorsque on arrive sur une route à grosse circulation. J'ai pris une option en passant par la trans-gambienne. Hurlement des enfants. Je peux passer à travers les villages sans recevoir de salutations. Inhabituel.
Je m'amuse avec quelques africains à vélo. Les dépasse normalement. Je les entends qui me suivent. Les pédaliers accélèrent. Ils me redépassent et sortent de la route sur un petit chemin de traverse.
struik.....................struik................struik......struik...struik...struik..struik.struikistruikistruikistruikistruikistruiki
Je continue ma route en riant.
12.3.2006
A force de clin d'oeil une dakaroise me demande de la rappeler lorsque je serais dans la capitale. Elle pars en me disant qu'elle voudrait bien vivre en France ... Je prends le morceau d'espoir qu'elle me tends et lui dis que je la rappelerai.
Je rencontre 3 français dans l'auberge. Leur région parraine Kafountine et s'y rendent. Une proposition, une sangle et le vélo est fixé sur la toit de la voiture. La pause est là. Je la prends. Je retrouve l'océan. Son humidité. Sa fraîcheur. Enfin. Un régal après les chaleurs maliennes. On retrouve les pirogues bariolées. Taxi ou pêcheur. Peu importe. Le bateau est coloré. Au nom du propriétaire. J'observe ce qui vole au bord d'un marigot. Cela occupe mes matinées et soirées et constituent l'essentiel des observations de Kafountine. Héron mélanocéphale, Aigrettes - garzette et des récifs -, Balbuzard, Percnoptère brun, Jacana, Grand Gravelot, Chevaliers - sylvain, culblanc, guignette, gambette, aboyeur, stagnatile -, Echasse, Martin-pêcheur à poitrine bleu, Martin-pêcheur pygmée - enfin - Bergeronnette printannière, Phragmite des joncs, Emerauldine, Irrisard moqueur, Rolle violet, Gonolek de Barbarie... Nous visitons le coin avec Bruno. Il m'explique le travail qui a été fait et pourquoi, et quelles sont les problématiques. Après 14 ans à venir dans la région, il connaît beaucoup de choses. Nous savourons le bougnouk au bord de la mangrove.
Une arrivée de pêche à Kafountine. Sable noir de monde. Eau vivante. Porteurs. Pirogues. Sternes royal. Des déchets de pêche flottant partout. Le tri se fait en arrivant. Pas le temps en pleine mer. Les poissons de peu de valeur à l'eau - pour les sternes. Le reste, dans les caisses. Sur les têtes des porteurs. De l'eau jusqu'à la poitrine.Puis transport jusqu'à la plage en jonglant entre les vagues et les amarres tendues. Le principe est simple. On paye chaque caisse amenée à terre. Les porteurs courent dès que possible. Leurs dizaines de kilos sur la tête. Un pointeur note les passages. Le pointeur, lui, est employé par les porteurs. Chacun le paie à partir de la quatrième caisse portée vers le sable et par pirogue. Simple disais-je. Les Sternes royales plongent entre les pirogues. Les porteurs courent.
13.1 Les Sternes royales en pêche
Je profite d'être au bord du labyrinthe de Casamance pour aller faire un tour en pirogue. La mangrove. Les palétuviers. Dense entrelacs de racines et de branche. Mystérieux et bruyant. Tout un mythe pour moi. Tout bouge. Vie. Et reste invisible. Les oreilles travaillent - et font ce qu'elles peuvent. Les jumelles restent autour du cou. Les bolons sont formés de mangrove. Ou la mangrove forme les bolons - je ne pourrais dire. Mais cela créé des îles. Habitées ou non. Les transports se font par pirogue. A la rame. Au moteur. Tout dépend de la distance à parcourir et de la richesse du propriétaire de la pirogue. Le labyrinthe s'étends sur une bonne surface. Vanneau du Sénégal, Anhinga, Vautours palmistes, Martin-pêcheur à poirtrine bleu, Hirondelle à long brin, Aigrettes. La faune est maître dans les mangroves.
14.3.2006
Je reprends a route avec plaisir. J'ai besoin de rouler. Difficile de rester en place plus de trois jours. Grosse étape à Bignona. Je m'arrête à nouveau à l'auberge. Mange une bonne portion de phacochère. De Bignona à Ziguinchor on passe d'une forêt dense à de la mangrove. Des menuisiers-ébénistes aux pêcheurs. Les dix derniers kilomètres vers Ziguinchor passent à travers la mangrove. Avant de sauter par dessus le fleuve Casamance. Les pavés sont à peine au dessus du niveau d'eau. Les grandes marées inondent la route. Je roule au sec. A travers les palétuviers. Courlis corlieux, Sternes caspiennes, Balbusard et Aigrettes remplacent Percnoptères brun, Irrisards moqueur et Calaos à bec noir. Sans transition. Et avec vent de face. Je retrouve également Hirondelle rustique et Milan noir. Tous ne sont pas encore de retour en Europe.
Ziguinchor. Fin du voyage.
Trois mots brutaux. Je me remémore les étapes des x milliers de kilomètres précédents.
Foum Assaka et la piste de la plage blanche - première piste pour moi et mes doigts rapiécés. Dakhla - au Sahara Occidentale - dernière ville marocaine. Le Parc national du Diawling en Mauritanie et l'entrée au Sénégal. Le parc national du Niokolo Koba - et les lions couchés sur la route. San, Téné - sur la route de Mopti vers le Delta intérieur du Niger. Et Ziguinchor. Des étapes marquantes. Parmis bien d'autres.
16.3.2006
Hotel au bord du fleuve. Chambre avec vue sur les mangroves et terrasse. Je me laisse couler dans le moule touriste et flâne dans la ville. J'observe le fleuve depuis ma terrasse. Le bal des sternes - caspienne, hansel, naine. Une Guifette leucoptère se promène. J'observe le départ des pirogues taxi pour les îles. On entends les femmes qui crient. La pirogue fait demi-tour et charge un retardataire. Les femmes se taisent et je rigole. Je repense aux discutions du retour en bus de Bamako. J'ai revu Emmanuel et Florent. Nous avons passé la soirée à discuter et à boire quelques bières. Nous parlons beaucoup du Sénégal et de son avenir. Nous ne parlons que de Sénégal. L'Europe est encore loin de nos pensées.
13.2
Je prends le bateau aujourd'hui pour Dakar sur le MS Willis. Curieux de voir si le chargement du bateau va être du même acabit que le bus de Bamako.
Bonne lecture
Manu