17.2.2006
J'ai repris la route vers Mopti. Plaisir de rouler à nouveau, de sentir les kilomètres défiler sous les roues. Peu à raconter d'autre pour cette journée. Bamako est grand et j'ai mis du temps à en sortir. Ajouter encore de nombreux kilomètres avant de retrouver les premiers arbres...
18.2.2006
Quatre millième kilomètre aujourd'hui. Pour l'occasion, je croise un couple de hollandais roulant en sens inverse. Les rencontres entre cyclistes sont tout un cérémonial. On les vois arriver de loin, puis l'un des deux décide de traverser la route et nous finissons par discuter un bon moment. D'où venez-vous? où allez vous, depuis combien de temps êtes vous sur la route? voilà les infos que j'ai pour votre route, en avez-vous pour moi? etc... Ce couple voyage depuis 10 mois à travers Asie centrale et Afrique. Le gros détail pour eux, ils remontent vers le Maroc. Vent de face prévu pour les prochains milliers de kilomètres... Ce qui ne m'empêche pas de rouler avec un vent de face régulier. Coup de fringuale bien méchant en milieu de journée. La brousse reste sèche et jaunasse. Seul les forêts de manguiers en bordure des village amène un peu de verdure. Avec un peu de chance on peut même voir les jardins - car le malien jardine et a des salades à disposition, un pur régal.
19.2.2006
Départ de Segou, le patron de l'hôtel me demande si je vais vraiment prendre la route car ils annoncent 37°C. Je sais maintenant que je vais avoir très chaud... Je le remercie et prends la route. Et il a fait chaud.. Je m'arrête dès que je vois un frigo pour boire un tonic. Le meilleur coupe soif que j'ai pu trouver en Afrique. Je continue à observer les piafs au bord de la route. Les habituels Perruche à collier, Rollier d'Abyssinie, Tourterelle masquée. Un Circaète brun et un Chevalier culblanc au bord d'une mare. Je fais une petite pause auprès d'un Baobab rempli de nid de tisserin. Juste en face, un arbre fleuri. Une autre bouffée de couleur dans ce paysage sec. Je ressort mon Nikon que j'avais plus ou moins laissé de côté après les casses successives. Je nettoie, bouche les ouvertures et recommence à faire des photos
12.1
12.2
20.2.2006
Grosse distance avec vent de face. quatrième jour de route depuis Bamako. Ce vent m'énerve, alors je roule. Route. Soleil. Paysage sec. Quelques beaux arbres. Le plein d'eau et de nourriture entre San et Téné. Après Téné on prend de la hauteur et domine le paysage. Au loin on devine la verdure du Niger. En bord de route, une construction. De l'ombre, une cruche contenant de l'eau fraîche. Un régal de rafraîchissement.
12.3 le Baobab-grenier
12.4
Je recroise ce couple allemand vu au Sénégal. Je les croyais déjà au Burkina.... T. Monod disait "
La première fois est une coïncidence. La seconde un hasard et la troisième une habitude"... C'est aussi après Téné que j'observe plusieurs Busard cendré mâles et femelles. Magnifique rapace. J'en ai jusqu'à deux planant autour du bivouac jusqu'à la tombée du soir, puis très vite remplacé par les Molosses - en chasse avant la tombée de la nuit. Un chasseur en remplace un autre. Demain soir à Mopti. J'aurais roulé comme un fou.
21.2.2006
Mopti, c'est une seule route goudronnée qui monte vers le nord depuis Bamako sur 650 kilomètres en cinq jours. A cette saison, ça veut aussi dire rouler contre l'Harmattan - Le vent du désert. Dans ces cas, la route est longue. Volonté et moral ne sont pas de trop et pourraient être comparé à un bloc stable recouvert de sable. Le vent déplace le sable. Met le bloc à nu. Jusqu'à le déplacer et le faire disparaître lui aussi. Si, juste avant que la volonté ne lâche, on vous propose un verre de thé. Dès ce moment, le moral revient et chacun des trois verres de thé correspond à un gros sac de sable remis sur le bloc. Je suis invité à boire le thé à la station de contrôle de Sévaré alors que je m'étais arrêté pour une boisson fraîche. Remotivé à finir la route.
12.5
12.6 Les sillons agricoles et les contrefort du pays Dogon
Je recroise un autre allemand et des anglais pour la troisième fois durant ce voyage. J'ai également croisé la route de plusieurs cycliste dont un qui chantait. Heureux celui qui chante à vélo. Contre lui même le vent ne peut rien.
Pour rejoindre Mopti on passe les premiers contreforts du pays Dogon. Les Baobabs n'ont pas tenu toute la route. Trop sec. Busard cendré et Aigle botté nous rappellent la présence de verdure. Rejoindre Mopti, c'est une digue de 10 kilomètres, construite par les coloniaux. Amadou Hampaté Ba en parle dans ses mémoires. Toujours là aujourd'hui. Je traverse des rizières et des vasières. Je retrouve les coureurs de sable avec plaisir. Echasses et chevaliers. Cette nuit en hôtel. J'ai l'impression de trahir ma couverture étoilé qui couvre mes nuits depuis 4 mois. Je salue Orion et lui souhaite une bonne course.
22.2.2006
Mopti. Ville de mélange. Aux portes du désert. Déjà. Les plaques de sel me renvoient à l'azalai et à Taoudenni. Je pensais en avoir terminé avec le sable, il me revient sous une forme millénaire. Il ne se laisse pas facilement oublier le désert. Sel et Chech. Barques, perches. Les Bozos sont aussi là. L'artisanat est développé. La ville est une plaque d'échange depuis toujours. Plaques de sel, sacs de riz, l'or a servi de monnaie d'échange en son temps. Je me souviens la description du Niger par Erik Orsenna dans Madame Bâ, je m'en inspire pour écrire cette description, remachée au long des 600 km de route depuis Bamako..
"
Mopti. Un delta. Delta? Sans mer? Oui. Delta intérieur. C'est un fleuve fou le Niger. Divagation de jeunesse avant d'être remis à l'ordre. Il s'étale. Prend ses aises. S'élargit. A tel point qu'il a gagné ce terme de delta. Prenez un atlas. Ouvrez sur le Mali. Cherchez. Une zone bleu-inondable au centre du pays. C'est lui. Le Niger. Avant que la route n'existe, le fleuve. Les transports se faisaient par ses innombrables bras. De Bamako à Gao en passant par Tombouctou. Mais le Niger reste raisonnable. Il n'est pas suicidaire non plus. Il ne veut pas alimenter les réserves de sel du Sahara. Deux azalais suffisent. Non. Le sable est implacable. Il donne la route au fleuve. Elle s'infléchit. Se courbe. C'est qu'il a eu de l'audace le Niger. Remonter aux portes du Sahara. Mais il a compris. Il redescend. Mériter son appellation de fleuve."
23.2.2006
Je reprends la route après avoir passé une journée à Mopti. J'ai profité du temps. Je me suis promené dans la ville sans aucun but. Assis au bord du Niger à profiter du coucher de soleil, un Bozo m'aborde pour me proposer un voyage en barque. Nous finissons par discuter un bon moment sur le fleuve et les voies de transport. La mosquée en terre de Mopti est en voie de restauration. bardée d'échaffaudages. Je me contenterai de la mosquée de Djenné. La description d'A. H. Ba me hante. Je me réjouit de voir cette fameuse mosquée.
Je n'arrive pas à avoir de bonnes infos pour la piste de Kouakourou. Je reprends donc la route. Je retrouve Amadou Demago au poste de contrôle de Sevare et prends le temps de boire le thé. Après deux heures de pause je file. J'ai le plaisir de rouler vent dans le dos. J'avais oublié quel point ça pouvait filer. Je suis la courbe de la route. Me ré-éloigne du Niger pour mieux revenir vers le Delta. Nouvelle digue pour aller vers Djenné. Nouvelle transition du sec au fleuve. Enorme zone inondable. Hérons, Echasses, Gardeboeufs, Vanneaux à coiffe noire. Au passage du gué les guides attendent et accrochent les touristes. Je négocie une nuit sur une terrasse avec l'un deux. Je n'ai pas assez d'argent pour demander plus - ce qui m'arrange un peu d'ailleurs.. Je vais faire un tour dans la ville et tombe enfin sur cette fameuse mosquée. La plus grande mosquée africaine construite en terre. Toute de banco. Ces briques de terre cuite. J'ai souvent vu sur les bords de route des briques alignées au bord d'une mare asséchée. Plusieurs vasques côte à côte. On met de la paille à l'intérieur, ouvre les vasques et mélange paille, terre et eau. La matière de base des briques est prête. Ne reste qu'à les former dans un moule et les mettre à sécher. Si les constructions de banco sont aussi lissées, c'est grâce à une couche de terre/boue appliquée à la main une fois le mur monté, et renouvelé chaque année. Au fil du temps, la forme du bâtiment s'arrondit. La mosqué de Djenné a été refaite la semaine précédent mon passage. Tous les villages traversés entre Djenné et Massina sont en Banco. Parfois une mosquée domine les Roniers de ses trois tours.
24.2.2006
Mon pneu arrière se déchire. Trop de poids à l'arrière et plus rien à l'avant pour compenser. Je traverse le Delta du Niger. Que de la piste. Peu de monde, quelques villages au milieux des Roniers. Je m'arrête quelques fois pour boire du frais. Je trouve encore quelques frigo fonctionnant sur panneau solaire - ouf... Dans la soirée je fais ce que je pense être un coup de palu. Fièvre, maux de tête, douleur au dos, forte diarrhée, souffle court, pouls rapide et perte d'équilibre. Plus de force pour monter le bivouac. Je me lève dix fois dans la nuit, dix fois mes entrailles se vident de liquide. Je suis dans la brousse, seul, et dois rejoindre Massina pour espérer rentrer sur Bamako.
25.2.2006
Plus aucune force, même pour aller à Massina. Je n'arrive à faire péniblement que 5 kilomètres. La première jeep qui passe s'arrête devant mes signes. Des français avec un guide. Nous chargeons le vélo et les bagages sur le toit et ils me ramène sur Massina. Ouf. Le guide m'arrange le tarif de bus pour Bamako. Je ne dois m'occuper de rien. Heureusement. je n'en suis pas capable. je dors pendant tout le trajet. Ne profite même pas du paysage. A Bamako je fais les trois derniers kilomètres avec peine. Arrivé à la maison des jeunes, on me voit arriver et comprends que j'ai des petits problèmes de santé. Ils me foutent une paix royale, me donnent une chambre. Je m'écroule, prends le traitement d'urgence anti-palu et m'écroule. Je croque la deuxième dose de méflaquine dans la nuit. Au matin, fièvre et mal de tête sont passé. Je reste faible. Rester 36 heures sans manger n'aide pas vraiment. J'irai à l'hôpital pour les tests sanguin. Résultat négatif et je commence à pouvoir avaler quelque chose. Malgrés deux nuits d'insomnie causé par le traitement, je reprends des forces et peut préparer mon départ vers le Sénégal. Le Mali aura été ma bête noire du voyage. Cependant je n'oublie pas le contact avec les maliens. Bien plus chaleureux qu'au Sénégal. Je reviendrai...
3.3.2006
Une semaine m'aura été nécessaire pour récupérer. Je prends le bus demain pour retourner sur Tambacounda. Fini Bamako et fini le Mali... Pour l'instant...
Bonne lecture
Manu